Archive for février, 2019

« Dust My Broom » d’Elmore James

Comme plusieurs autres chansons de blues, « Dust My Broom » est arrivée à sa forme présente en passant par d’autres chansons, la plus ancienne étant «I Believe I’ll Make A Change », enregistrée en 1932 par les jumeaux identiques Aaron et Marion Sparks, utilisant le nom « Pinetop and Lindberg. » Aaron a choisi « Pinetop » en honneur à Clarence « Pinetop » Smith, le grand pianiste du boogie-woogie, tandis que Marion a choisi Lindberg parce qu’il pouvait vraiment danser le Lindy Hop! Cette danse, nommée pour l’aviateur Charles Lindberg, fut toute une sensation durant l’ère « Big Band » vers la fin des années 30 et le début des années 40.

Les frères Sparks n’ont enregistré qu’une poignée de pièces parce que Aaron fut empoisonné avant son 30e anniversaire. Marion a passé beaucoup de temps allant à l’encontre de la loi pour la contrebande, les jeux d’argent, les batailles et même l’homicide involontaire. La seule photo disponible des frères Sparks est la photo d’identité de Marion en 1934, gracieuseté de la police de St Louis! En dépit de leur bref temps comme musiciens, les frères Sparks nous ont donné les classiques du blues « 61 Highway Blues », rendu célèbre par Mississippi Fred McDowell et « Every Day I Have The Blues », associé à B.B. King et Big Joe Williams, le chanteur de l’orchestre de Count Basie.

En 1936, Robert Johnson, un des meilleurs bluesmen de tout les temps, a enregistré « I Believe I’ll Dust My Broom », une transformation Delta Blues de la version des frères Sparks qui a saisi le dynamisme et l’intensité de la pièce. Johnson a ajouté quelques nouvelles paroles et a aussi introduit les triplets répétés à la guitare que Elmore James a par la suite transformé en une des passes de guitare les plus reconnaissables dans l’histoire du blues. Johnson est décédé en 1938 à l’âge de 27 ans, supposément empoisonné par un mari jaloux. Il a eu le temps d’enregistrer 29 pièces dans sa courte vie, tous très influentes sur le développement du blues et du Rock ‘n Roll.

Elmore James est né le 27 janvier 1918 à Richland Mississippi, le fils de Leola Brooks, une ouvrière agricole de 15 ans. Il a pris le nom James de Joe Willy James, un métayer et peut-être son père. Un musicien à 12 ans, James a parcouru le Mississippi rural avec Sonny Boy Williamson et a rencontré Robert Johnson, de qui il a probablement appris « I Believe I’ll Dust My Broom.» Après un passage dans la Marine américaine durant la guerre, James s’est joint à Sonny Boy Williamson dans les fameuses émissions King Biscuit à la radio et, en 1951, les deux ont auditionné pour la petite compagnie, Trumpet Records. James a signé un contrat d’enregistrement mais la seule pièce qu’il a enregistré à ce temps fut « Dust My Broom. » Le 45 tours, avec une interprétation de «Catfish Blues » de Bobo Thomas au verso, indiquait « Elmo » James comme interprète des deux pièces. L’enregistrement de « Dust My Broom » en 1951 a eu lieu quand l’amplification électrique était encore à ses débuts et est un de ces rares enregistrements qui a changé le cours de la musique blues. Le rythme de danse sévère, la guitare slide, électrique et irrésistible, et la superbe voix de James en font un coup de foudre attrapé en bouteille. Les registres régionaux indiquent que « Dust My Broom » a grandi en popularité à travers les É.U. La pièce s’est même inscrite au palmarès national « Top R&B singles » de Billboard en avril 1952, avec un sommet en 9e position. Le succès du 45 tours par la petite compagnie de Trumpet Records a mené à une ruée vers James par plusieurs autres compagnies, tous cherchant un autre hit. Par conséquent, James a enregistré « Dust My Broom » pour plusieurs compagnies de disque durant sa carrière, toujours avec des variations mineures. Mon enregistrement préféré fut réalisé pour Fire/Fury Records en 1959.

À partir de 1952, James a divisé son temps entre le Mississippi et Chicago. Son groupe de musiciens se nommait les Broomdusters et mettait en vedette son cousin « Homesick » James. L’orchestre était tellement puissant que le monde jetait souvent des piastres sur la scène. Les Broomdusters étaient considérés l’égal de l’orchestre de Muddy Waters, qui comprenait Jimmy Rogers, Little Walter et Otis Spann. Bien que « Dust My Broom » est demeuré sa pièce signature sur scène et sur disque, James nous a aussi laissé les standards du blues « The Sky Is Crying », « Madison Blues » et « Done Somebody Wrong. » Depuis la guerre, Elmore James savait qu’il avait un sérieux problème cardiaque. Il est décédé d’une crise cardiaque à Chicago en 1963, quand il s’apprêtait à aller en tournée en Europe avec le American Folk Blues Festival. Il avait 45 ans.

NOTES : L’expression « dust my broom » veut dire déloger d’une chambre louée, balayant avant de partir. Généralement, l’expression est utilisée quand on laisse n’importe quelle mauvaise situation derrière soi. Peu entendue de nos jours, l’expression « no-good doney » indique une femme de piètre moralité.

 

Richard Séguin – voix, guitares électriques
Alrick Huebener – contrebasse électrique
Roch Tassé – batterie

 

Dust My Broom

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« In The Pines », une chanson simple qui vit au-delà du temps

« In The Pines » est une chanson américaine traditionnelle qui date de 1870, tout au moins. Son origine est largement considérée la région des Appalaches du sud (le Tennessee, le Kentucky, la Caroline du Nord et la Georgie) mais pourrait aussi avoir une histoire irlandaise antérieure. Comme bien d’autres chansons folkloriques, elle fut passée de bouche à oreille d’une génération et d’une place à une autre. La première version imprimée des paroles fut publiée en 1917 et une version fut enregistrée sur cylindre phonographique en 1925. Les premiers enregistrements commerciaux de la pièce datent de 1926, par divers artistes de bluegrass et de folk. Dans son doctorat de 1970, l’ethnomusicologue Judith McCulloh a trouvé 160 permutations de « In The Pines. » La pièce a été enregistrée sous des titres aussi variés que « Black Girl », « My Girl », « In The Pines », « Where Did You Sleep Last Night » et « The Longest Train. »

En 1994 dans le New York Times, Eric Weisbard a décrit « In The Pines » comme « une chanson simple qui vit au-delà du temps. » Elle vit aussi au-delà des styles. Au cours des années, la pièce a été enregistrée en versions blues (Leadbelly, Leroy Carr), bluegrass (Bill Monroe, Doc Watson), country (Dolly Parton, The Oak Ridge Boys), rock (Link Wray, The Grateful Dead), traditionnelle (Roscoe Holcomb, Ralph Stanley), folk (Pete Seeger, Odetta), même grunge (Kurt Cobain, Marilyn Manson) et pop (Connie Francis, Tiny Tim). Près de mon cœur est une version cajun de Nathan Abshire, chantée en français et publiée sous deux titres différents, « Pine Grove Blues » et « Ma négresse. » Ce fut le plus grand succès d’Abshire.

Pour toutes ces différentes versions, trois éléments sont presque toujours présents : le train, la fille infidèle et les pins eux-mêmes, qui sont vus comme la sexualité, la solitude ou la mort. Dans la chanson, le train le plus long vient de la Georgie où Joseph Emerson Brown, un ancien gouverneur, exploitait des mines de charbon vers 1870, utilisant des prisonniers comme ouvriers. Il est souvent suggéré que le capitaine qui se défait de sa montre indique que le train est un passage éternel de la vie vers la mort. Je chante aussi le « couplet de la décapitation », qui est souvent omis.

De nos jours, « In The Pines » est surtout associé à Leadbelly (Huddie Ledbetter) et Bill Monroe, qui ont tous deux enregistré plusieurs versions influentes de la pièce dans les années 1940. Pour mon enregistrement, je me suis fié aux enregistrements émouvants de Leadbelly et j’ai décidé d’ajouter une mandoline en hommage à Bill Monroe. J’ai aussi écouté sans cesse à un enregistrement de Doc Watson et David Grisman, un des meilleurs joueurs de mandoline au monde, jouant la pièce en un concert de 1998 à Watsonville en Californie. C’est un exemple saisissant du talent artistique dans un ordre des plus élevés.

 

Richard Séguin – voix, guitare 12 cordes, mandoline

 

In The Pines

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