Archive for avril, 2023

« A Hard Rain’s A-Gonna Fall » de Bob Dylan

En septembre 1962, j’ai commencé ma dernière année d’école primaire. Je ne savais pas à quoi m’attendre quand je commencerais l’école secondaire l’année suivante – j’étais un garçon isolé et innocent, mais j’aimais la vie tranquille que j’avais dans ma ville natale bien-aimée. Puis, le mois suivant, la paix du monde a été emportée par des hommes sans visage de pays étrangers, l’un voisin, l’autre à l’autre moitié du monde, qui ont décidé qu’ils seraient ceux qui détermineraient le sort du monde.

Le 14 octobre 1962, un avion espion américain a pris des photos de missiles balistiques soviétiques installés à Cuba. Équipés de têtes nucléaires, les missiles pouvaient atteindre des cibles aux États-Unis et au Canada. Le président américain John F. Kennedy a rejeté les appels de ses conseillers militaires à lancer des frappes aériennes contre les sites de missiles. Plutot, il a monté un blocus naval immédiat de Cuba. La crise des missiles cubains a duré 13 jours et les deux superpuissances atomiques du monde se sont rapprochées plus que jamais de la guerre nucléaire. L’impasse a pris fin le 28 octobre avec l’aide de diplomates des Nations Unies, en particulier le Secrétaire général U Thant. Le premier ministre soviétique Nikita Khrouchtchev a accepté de démanteler et de retirer les missiles soviétiques, en échange de la promesse de Kennedy de ne pas envahir Cuba. Bien que la crise ait été désamorcée, l’armée américaine est restée en état d’alerte pendant trois semaines supplémentaires alors qu’elle surveillait l’enlèvement des missiles. Dans le cadre de la résolution, Kennedy a également secrètement promis de retirer de la Turquie des missiles nucléaires américains de portée intermédiaire Jupiter, un accord qui n’a été rendu public qu’à la fin des années 1980.

Au Canada, le premier ministre Diefenbaker avait remporté l’élection de 1958 avec la plus grande marge de l’histoire du Canada, mais sa réaction hésitante à la crise des missiles cubains a entraîné la chute de son régime. Au lendemain de la crise, les États-Unis ont accusé le gouvernement Diefenbaker de mentir et d’éviter ses devoirs militaires. Le ministre de la Défense nationale, Douglas Harkness, démissionne en février 1963 pour protester contre l’opposition de Diefenbaker à l’installation d’ogives nucléaires américaines au Canada. Cette démission a précipité la scission du gouvernement conservateur et Diefenbaker a perdu contre le Parti libéral de Lester B. Pearson aux élections de 1963.

Pour un jeune de 12 ans, c’était un réveil très, très douloureux. J’étais outré que des gens complètement insignifiants à ma vie pouvaient encore décider de son sort. J’ai développé une haine profonde pour la politique des nations belligérantes. À ce jour, j’espère que tous les belligérants rencontreront la mort qu’ils infligent aux autres. Chaque fois que j’entends parler de conflits mortels dans le monde, je repense au fait que les belligérants, sur les deux fronts de tout conflit, réduisent leur nombre dans le patrimoine génétique.

Dylan à ses débuts avec la chanteuse Joan Baez

En 1962, je n’étais certainement pas la seule personne qui portait de la haine et de l’indignation dans son cœur pour la guerre et la belligérance. Cette année-là, Bob Dylan lance « The Freewheelin’ Bob Dylan », un album qui comprend la chanson « A Hard Rain’s A-Gonna Fall » et d’autres « chansons de protestation », inspirées en partie par Woodie Guthrie (1912-1967) et influencée par Pete Seeger (1919-2014). La chanson de Dylan est modelée sur « Lord Randall », introduisant chaque verset avec des variantes des lignes d’introduction de cette ballade frontalière anglo-écossaise du 17ème siècle. La chanson est souvent interprétée comme une réaction à la crise des missiles cubains, mais Dylan a lui-même dénoncé cette simplification excesive puisqu’il l’avait lui-même interprétée publiquement un mois avant la crise.

Richard et Roch

Les pièces de Dylan à ses débuts venaient tous d’une époque où le renouveau folk qui prenait d’assaut la ville de New York se diffusait aussi en Amérique du nord et finalement, le monde. Ce phénomène précédait tous les avancements technologiques de notre vie. Invariablement, les pièces étaient enregistrées par Dylan seul, avec sa voix, sa guitare et son harmonica. Notre arrangement est beaucoup plus lent et moderne et, dans un esprit de brièveté, ne contient pas toutes les paroles de l’enregistrement original.  

Richard Séguin – voix, guitares acoustiques 6 cordes et 12 cordes, guitares électriques, programmation MIDI (orgue)
Roch Tassé – tom basse

Pour écouter la pièce, cliquez sur le titre ci-bas.

A Hard Rain’s A-Gonna Fall

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La culture musicale de Rockland, 1950-1975 / « Long Black Veil »

50e anniversaire de mariage de mes grand-parents, Joseph Séguin et Rose Délima Blanchette, 1955. De G à D, Jean-Guy Séguin, Marielle Séguin, Gabriel Séguin, ma cousine Gisèle Labrèche et mon cousin Réjean Labrèche

50e anniversaire de mariage de mes grand-parents, Joseph Séguin et Rose Délima Blanchette, 1955. De G à D, Jean-Guy Séguin, Marielle Séguin, Gabriel Séguin, ma cousine Gisèle Labrèche et mon cousin Réjean Labrèche

Aussi loin que je me souvienne, ma ville natale de Rockland fut remplie de musiciens amateurs, en ce sens que personne ne les payait pour faire de la musique. Ils jouaient parce qu’ils aimaient jouer. Cependant, ils étaient talentueux. J’ai toujours pensé que la musique joué simplement par amour est aussi pure que cette forme d’art peut l’être.

The Happy Valley Boys à l'hôtel Windsor. De G à D, Gerry Sharp, Paul Labelle, Gabriel Séguin

The Happy Valley Boy à l’hôtel Windsor. De G à D, Gerry Sharp, Paul Labelle, Gabriel Séguin

Quand j’étais petit, il y avait toujours de la musique dans notre maison. Mon frère Gabriel a formé un groupe appelé The Happy Valley Boys avec ses amis Paul Labelle et Gerry Sharp. Ils jouaient souvent à l’hôtel Windsor, au coin de Metcalfe et Queen à Ottawa, et ont même joué jusqu’à Maniwaki. Ma famille élargie les suivait partout. Paul et Gerry étaient toujours chez nous quand Gabriel vivait, des frères ces trois-là. Ils mangeaient sous notre toit, dormaient sous notre toit et mes parents les aimaient comme les leurs.

Un de nos musiciens des plus célèbres est Gaëtan « Pete » Danis, un excellent guitariste qui a joué pendant des décennies derrière Bob et Marie King, un duo très populaire, surtout au Québec et dans l’est de l’Ontario. Le groupe était complété par Hughie Desmond à la contrebasse électrique et Gilles St-Laurent à la batterie. Gilles a joué avec The Happy Valley Boys à l’occasion.

Michel Rondeau de Rockland est un trompettiste et gradué du Conservatoire de Musique du Québec, qui a composé plus de 200 oeuvres, y compris 35 symphonies, et il a transcrit et arrangé plus de 900 oeuvres de chorale et d’orgue ainsi que des pièces pour différentes combinaisons d’instruments et de voix. Quand j’étais jeune homme, je me rendais souvent chez Michel avec ma guitare pour l’accompagner pendant qu’il pratiquaient des pièces de trompette populaires à l’époque. Il aimait particulièrement les pièces de Herb Alpert & The Tijuana Brass et de Henry Mancini.

La fanfare de Rockland

La fanfare de Rockland

Michel Rondeau, comme plusieurs hommes et garçons de Rockland, est aussi passé par la Fanfare de Rockland. Mon frère Robert et moi y avons paricipé pour quelques années. Un ami de Robert et membre de la fanfare, Jacques Drury, vennait chez nous pour pratiquer son saxophone pendant que mon frère jouait sa guitare.

La famille Lalonde de Rockland s’est formé un orchestre composé de Pat Pilon, chanteur et guitariste, Aurèle Lalonde, proclamé le meilleur violoneux de l’est du Canada, son frère « Tit-Bus » à la contrebasse, Gaston Leroux à la batterie et un excellent joueur de « steel guitar » de Bourget dont le nom est perdu dans l’histoire.

À Rockland, il y avait toujours quelqu’un pour aider un jeune à apprendre la musique. Roch Tassé, excellent batteur et ami de long temps qui collabore souvent avec moi pour produire les pièces présentées sur ce site, était souvent visité par son oncle Ubald Pilon, un violonneux, accompagné de ses amis musiciens. Pat Pilon y était ainsi que Gaston Leroux, qui a enseigné la batterie à Roch. Son oncle Ubald lui a aussi enseigné les bases de la guitare. La famille Pilon de Rockland avait aussi formé un orchestre dirigé par Fernand Pilon, qui avait un commerce de livraison d’huile à chauffage. Son jeune frère Denis Pilon était à la batterie.

Un groupe nommé « The Royals » avait été formé pour être l’orchestre en résidence de l’hôtel King George à Rockland, mais ils ont aussi joué jusqu’à Thurso, Qc. Les membres étaient André « Gus » Gosselin, un excellent batteur et chanteur, Denis Tessier, un superbe guitariste qui m’a beaucoup influencé à mes débuts, Jean-Pierre Ménard, guitare et Michel Chrétien, un autre ancien élève de la fanfare de Rockland, au saxophone.

Gerry Sharp au sous-sol chez nous, circa 1957.

Gerry Sharp au sous-sol chez nous, circa 1957.

La famille Sharp était aussi très active en musique. Gerry, qui jouait avec mon frère Gabriel, est devenu enseignant de guitare classique et a travaillé longtemps chez Gervais, un magasin de pièces électroniques à Ottawa. Son frère Arthur jouait de la guitare et chantait, souvent accompagné de mon grand ami Gilles « Blaze » Dessaint (1946-2019). Quand ils jouaient en personne, Richard Rochon était leur batteur.

The SynComs. De g à d, Côme Boucher, Richard Houle, Robert Aquin, Robert Séguin et Tom Butterworth

The SynComs. De G à D, Côme Boucher, Richard Houle, Robert Aquin, Robert Séguin et Tom Butterworth

En 1963, mon frère Robert a formé un orchestre à l’école secondaire avec Côme Boucher, Richard Houle, Robert « Bob » Aquin et Tom Butterworth. C’était l’aube de l’ère des télécommunications et du programme American Syncom. Syncom 2, lancé par NASA en 1963, fut le premier satellite de communication géosynchrone au monde, ce qui signifie que le sattelite accomplissait une orbite chaque jour, tout comme la Terre. Soudainement, le monde est devenu beaucoup plus petit. Pas surprenant, le groupe a pris le nom de The Syncoms.

Tom et Richard à La chandelle. Assis dans les coulisses, Roch Tassé

Tom et Richard à La chandelle. Assis dans les coulisses, Roch Tassé

J’ai rejoint le groupe de mon frère Robert en 1965. Robert adorait le groupe britannique Gerry and The Pacemakers et a appelé son groupe Robbie and The Trensetters, puis The Trendsetters et enfin, tout simplement The Trend. Le groupe était complété par Tom Butterworth à la guitare et Denis Sabourin, un batteur de Hammond. Par la suite, Tom et moi avons joué avec André « Gus » Gosselin et on se présentait aussi en duo à La chandelle, un rendez-vous pour les jeunes au sous-sol de l’Église de Rockland. Roch Tassé a dirigé plusieurs des activités à La chandelle.

En 1966, une chanson nommée « Elusive Butterfly » fut un gros hit pour le chanteur Bob Lind et un groupe s’est formé avec le nom The Elusive Butterflies, auparavant appelé The Rubies. Le personnel comprennait Don Boudria, voix et guitare, Denis Bergeron, guitare, André Parisien et Pierre Castonguay, contrebasse électrique et Pierre Lemay à la batterie. En 1984, Don Boudria a été élu comme représentant des Libéraux pour la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell en Ontario. Il a occupé différents postes dans le Cabinet de Jean Chrétien à son arrivée au pouvoir en 1993, dont leader à la Chambre et ministre des Travaux publics.

Richard et Alcide Dupuis

Richard et Alcide Dupuis

J’ai eu la chance de jouer à maintes reprises avec Alcide Dupuis, un violoneux de Rockland. Un oncle d’Alcide lui avait montré le violon mais absolument rien d’autre! Alcide ne connaissait ni note, ni clef et gardait un répertoire varié et très sophistiqué dans sa tête. Le problème était de récupérer une pièce de sa mémoire! Il commençait en grattant les cordes de son violon avec son archet, cherchant pour une mélodie incertaine. Alcide « steppait » aussi et ses pieds essayaient de trouver le rhythme qui allait avec la mélodie. Il s’approchait graduellement de son but, le trouvait, et décollait comme un 747, tout coudes, archet et pieds! C’était une des transformations des plus spectaculaires dont j’ai été témoin de ma vie. Comme vous pouvez voir de la photo, on s’amusait beaucoup.

À cette époque, je travaillais et j’ai pu m’acheter une guitare acoustique, une guitare électrique (les deux des Gibson) et un banjo Fender. Tom a acheté sa première guitare steel et ces instruments nous ont permis de nous diversifier dans différents genres que nous aimions. Finalement, Richard Houle et Pierre Lemay, un batteur local, ont rejoint Tom et moi dans un groupe qui n’a jamais eu de nom.

En 1971, mon frère Robert a acheté un magnétophone Sony, le sommet de la technologie d’enregistrement à l’époque. Mon frère nous a enregistré en jouant d’abord au sous-sol de notre maison et, en 1972, au sous-sol de la maison de Pierre Lemay. Il n’y a pas eu de suite aux enregistrements et les bandes ont été stockées dans divers endroits et oublié pendant de plus de 30 ans.

Au sous-sol du centre culturel La Ste Famille de Rockland. De G à D, Manu, Richard Séguin, Alain Gratton, Jean-Pierre Béland

Au sous-sol du centre culturel La Ste Famille de Rockland. De G à D, Manu, Richard Séguin, Alain Gratton, Jean-Pierre Béland

Par la suite, Tom a formé un groupe nommé Beach dans lequel figurait aussi Pierre Chénier (1953-2021) à la guitare, Richard Houle à la contrebasse électrique et son cousin John Houle à la batterie. Pour ma part, je composais des airs pour la guitare et le banjo. Mon ami Jean-Pierre Béland, un expert en productions audiovisuelles, m’a demandé de composer la bande sonore pour un diaporama qu’ il réalisait. Jean-Pierre m’a enregistré dans la sacristie de l’Église de Rockland où les réverbérations naturelles sont saisissantes. Les résultats ont été très bien reçus et, en 1975, Jean-Pierre nous a conduit, Roch et moi, à un petit studio de Montréal appelé Bobinason pour réaliser nos premiers enregistrements commerciaux.

Vers 2008, Richard Houle m’a téléphoné pour me dire qu’il avait trouvé les bandes d’enregistrement de 1972 dans une boîte dans son sous-sol. Richard est venu me rendre visite, m’a remis les bandes, que j’ai ensuite données à mon frère Robert. Robert avait toujours ce vieux magnétophone Sony et il fonctionnait toujours! Grâce à son équipement numérique de l’époque, il a pu transférer nos enregistrements originaux des bandes à des supports audio numériques. Les bandes, alors âgées de plus de 40 ans, s’étaient détériorées et les enregistrements originaux étaient affectés, mais certains étaient meilleurs que les autres. L’un des meilleurs du lot est notre interprétation de « Long Black Veil. » Comment Robert a réussi à enregistrer quatre instruments et quatre voix avec seulement deux micros je ne saurai jamais.

« Long Black Veil » a été composé par Danny Dill (1924‑2008) et Marijohn Wilkin (1920‑2006), deux auteurs-compositeurs professionnels, et a été enregistré pour la première fois par William Orville « Lefty » Frizzell (1928‑1975) en 1959. Frizell est connu comme l’un des stylistes de chant country les plus influents de tous les temps. Il a été intronisé au Country Music Hall of Fame ainsi qu’au Songwriters Hall of Fame en 1982.

« Long Black Veil » est devenu un standard et a été couvert par une variété d’artistes dans les styles country, folk et rock, notamment par Johnny Cash et The Band.

Cet enregistrement, perdu et retrouvé, est dédié à la mémoire de Richard Houle (1947-2013).

Richard Séguin – voix, guitare acoustique
Tom Butterworth – voix, guitare électrique
Richard Houle – voix, contrebasse électrique
Pierre Lemay – batterie
Robert Séguin – voix, enregistrement analogique, transfert numérique

Pour entendre la pièce, cliquez sur le titre ci-bas.

Long Black Veil 1972

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