Archive for mai, 2019

« Green Green Rocky Road » de Dave Van Ronk

Vers les mi-1950, plusieurs intellectuels se sont rassemblés pour créer leur art dans le village Greenwich de la ville de New York : ses collèges, universités, librairies et cafés. Vinrent en premier les conteurs, les poètes « beat », qui façonnaient leurs mots aux rythmes et aux cadences du jazz, récitant souvent leur poésie au son d’une contrebasse ou d’une batterie. Suivirent les musiciens et l’instrument de choix était la guitare acoustique, habituellement jouée dans le style « fingerpicking. » De ce centre culturel, ce qui a été connu comme le renouveau folk s’est répendu à travers les États-Unis.

J’ai connu le renouveau folk grâce à la télévision canadienne. La CTV et la CBC ont toutes deux diffusé « Let’s Sing Out », filmé sur place à une université canadienne différente chaque semaine. Plusieurs artistes importants y étaient en vedette, y compris Simon & Garfunkel et Joni Mitchell, la fierté de la Saskatchewan. Le show américain « Hootenanny », tracassé par des différends politiques entre les producteurs et les artistes, n’a duré que deux ans mais a été rediffusé par la CBC. Ce show m’a permis de connaître des guitaristes comme Mississippi John Hurt (1892-1966), le révérend Gary Davis (1896-1972) et Dave Van Ronk (1936-2002). Van Ronk a étudié avec le révérend Gary Davis, qui voyait la guitare comme un piano porté autour du cou. À cette approche pianistique, Van Ronk a ajouté les sophistications harmoniques de Jelly Roll Morton et Duke Ellington. Il a aussi introduit le monde folk aux harmonies complexes de Kurt Weill.

Je me souviens que Van Ronk jouait « Maple Leaf Rag », un des chefs-d’oeuvre de Scott Joplin (1868-1917) et que je ne pouvais pas croire que cette musique de piano sophistiquée pouvait être jouée sur une guitare. Tout de suite, j’ai cherché et trouvé des livres de transcription de la musique de Scott Joplin pour la guitare, que je conserve toujours. Van Ronk a aussi été un mentor important pour plusieurs artistes qui venaient au village Greenwich de très loin, y compris Bob Dylan et Joni Mitchell.

« Green Green Rocky Road » nous vient du poète « beat » Bob Kaufman, qui l’a tout simplement donnée à Dave Van Ronk. Van Ronk l’a achevée avec l’aide de son musicien collègue Len Chandler. La chanson est vite devenue un favori des fans et la pièce signature de Van Ronk pour toute sa carrière.

Bob (Robert Garnell) Kaufman (1925-1986) a déjà dit « Je veux être anonyme. Mon ambition est d’être complètement oublié. » J’espère qu’il me pardonne pour cette négligence de ses vœux, mais il est un artiste trop important pour oublier. Un résident de San Francisco, Bob Kaufman a fondé et agit comme rédacteur en chef de Beatitude, un magazine dévoué à la poésie et la source du mot « beatnik », que Kaufman a inventé. Généralement il n’écrivait pas ses paroles et la plupart de son œuvre se perpétue grâce à son épouse Eileen, qui écrivait ses poèmes comme il les concevait. Il a appelé un de ses recueils « Cranial Guitar », un concept brillant. La discrimination raciale battait plein fouet à l’époque et Kaufman avait la police de San Francisco sur le dos tout simplement pour réciter sa poésie en public. En 1959, le sommet de l’ère beatnik, il fut arrêté 39 fois par la police de San Francisco pour « conduite désordonnée » (c.à-d-., lire de la poésie en public).

En 1961, Kaufman fut en nomination pour le prix Guinness de la poésie en Angleterre, éventuellement gagné par T.S. Eliot. En 1963, il a été arrêté pour avoir marché sur l’herbe du parc Washington Square dans le village Greenwich. Il fut incarcéré à l’île Rikers et envoyé à l’Hôpital Psychiatrique Bellevue comme un « cas problème » où il a subi des traitements d’électrochocs qui n’ont qu’augmenté sa sombre perspective de la société. Après l’assassinat de John F. Kennedy, Kaufman, un bouddhiste, a pris un vœux de silence qui a duré 10 ans.

Même si sa vie fut pleine de souffrance, plusieurs vont se souvenir de Bob Kaufman pour sa brillante idée qui est devenue le papillon musical connu comme « Green Green Rocky Road. »

 

Richard Séguin – voix et guitare acoustique

 

Green Green Rocky Road

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« Boom Boom (Out Go The Lights) » de Little Walter

Quand Little Walter (Marion Walter Jacobs, 1930-1968) est arrivé à Chicago en 1945, il était déjà un vétéran du soi-disant «  Chitlin Circuit   », une collection de salles de spectacle à travers l’est, le sud et le haut midwest qui fournissaient un accueil commercial et culturel pour les musiciens et autres artistes
Afro- américains durant l’ère de la ségrégation raciale aux États-Unis. Les chitlins sont les petits intestins frits du porc, un délice dans le Sud.

En 1952, comme Little Walter s’engageait à joindre l’orchestre de Muddy Waters, la première prise de son premier enregistrement fut la pièce instrumentale « Juke », le plus grand succès de tous les artistes sur Chess Records et ses sociétés affiliées jusqu’à date et un des plus gros hits de 1952 à l’échelle nationale, assurant sa position sur la liste d’artistes de Chess pour la prochaine décennie. En plus de ses enregistrements avec Muddy Waters, Little Walter a enregistré une suite de succès en son propre nom, y compris 14 hits top ten dans la catégorie R&B de 1952 à 1958.

La technique d’amplifier l’harmonica que Little Walter a développée a tellement changé le son de l’instrument qu’il fut dorénavant appelé un blues harp ou tout simplement un harp. À Chess, Little Walter pouvait utiliser les talents des musiciens et compositeurs les plus doués du pays. En 1957, il a enregistré un autre hit top ten, « Boom Boom (Out Go The Lights) », avec de telles vedettes que Willie Dixon à la contrebasse, Luther Tucker et Robert Lockwood Jr. à la guitare électrique et Fred Below à la batterie. En plus de la force du vocal et du harp de Little Walter, la chanson met en vedette des accords à la guitare qu’on entend dans le jazz mais certainement pas dans le blues. À cette époque plus misogyne, les paroles de la pièce ne faisaient pas sourciller grand monde, mais elles passeraient plus difficilement aujourd’hui.

« Boom Boom (Out Go The Lights) » fut composé par Stan Lewis (1927-2018), un de ces nombreux grands entrepreneurs qui oeuvrent dans les coulisses de l’industrie de la musique. En 1948, Lewis a fondé Stan’s Record Shop à Shreveport en Louisiane, un énorme succès qui comptait parmi ses clients les jeunes Elvis Presley, Buddy Holly et Bob Dylan. Comme producteur, Stan Lewis fut responsable pour « Reconsider Baby », un gros hit en 1954 pour Lowell Fulson (1921-1999) et pour une des meilleures chansons de tout le rock ‘n roll, « Susie Q », enregistrée en 1957 par Dale Hawkins (1936-2010), un employé de Stan’s Record Shop et un cousin de Ronnie Hawkins. Un hommage à Susan, la fille de Stan Lewis, « Susie Q » met en vedette le grand guitariste James Burton, un des meilleurs joueurs de tout temps.

Pour en lire davantage sur la courte et triste vie de Little Walter et pour écouter notre trio jouer un autre de ses gros hits, cliquez sur ce lien :
« My Babe »

 

Richard Séguin – voix, guitare électrique
Alrick Huebener – contrebasse
Roch Tassé – batterie

 

Boom Boom (Out Go The Lights)

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