Au début du vingtième siècle, l’invention des technologies d’enregistrement, du phonographe et des disques ont communiqué la musique aux gens ordinaires pour la première fois. Dans les siècles précédents, la musique était le divertissement des riches puisque les théâtres où les symphonies et les opéras se présentaient étaient au delà des moyens du reste de la population. Par contre, une musique différente, plus rurale, a pris naissance, surtout dans les îles britanniques, grâce à des compositeurs comme l’Écossais Robert Burns (1759-1796) et l’Irlandais Turlough O’Carolan (1670-1738). Ces nouvelles ballades, gigues et reels sont arrivés en Amérique avec les colons européens, surtout ceux qui ont colonisé la région des montagnes appalachiennes.
Dans les Appalaches, un type particulier de ballade axé sur les tragédies s’est imposé. Les accidents ferroviaires, les catastrophes minières et les meurtres devinrent le sujet de plusieurs chansons populaires – des douzaines furent composées pour le naufrage du Titanic à lui seul. Les chansons de meurtres, une entreprise purement humaine à la fois aberrante et séduisante, devinrent très populaires et furent connues comme des « ballades de meurtre. » Pour un aperçu de la musique des Appalaches et pour entendre Alrick, Roch et moi jouer mon interprétation de « Little Sadie », une ballade de meurtre très connue, cliquez ici.
La chanson « Henry Lee » est d’origine écossaise avec des liens scandinaves et possède plusieurs versions distinctes avec des mélodies et des paroles différentes. Pour moi, la version définitive fut enregistrée par Dick Justice (1906-1962), un mineur de charbon de la Virginie de l’Ouest. À cette époque, les Noirs et les Blancs étaient rarement associés mais Justice a appris la guitare d’un bluesman Afro-américain de la Virginie nommé Luke Jordan (1892-1952). Les deux furent très habiles avec le fingerpicking, même si Justice délivre « Henry Lee » dans le plus élémentaire des styles. Il n’a enregistré que dix pièces pour Brunswick Records en 1929 mais les ventes étaient compromises par la Grande Dépression. Par après, Justice est retourné aux mines de charbon et une tombe précoce, comme tellement d’autres mineurs. Son enregistrement de « Henry Lee » est la première pièce du Anthology of American Folk Music, quatre-vingt-quatre chansons émises en 1952, qui est devenu la bible du renouveau folk.
« Henry Lee », une ballade de meurtre fondamentale, est divisée en cinq versets – le refus d’une amoureuse potentielle, le meurtre d’Henry Lee, la disposition macabre du cadavre, les menaces de la meurtrière envers un oiseau qui avait témoigné le meurtre et l’avertissement de l’oiseau.
En partie, le charme de ces vieilles ballades est les expressions et les genres de discours qui nous viennent d’un autre temps. Pour « Henry Lee », j’ai choisi de « moderniser » quelques-unes des expressions utilisées par Dick Justice – « bend and bow » devient « bended bow », « wobble » devient « warble », etc. On peut aussi se demander comment un meurtre peut être commis avec un petit canif mais, à l’époque, on disait « weapon knife », prononcé « weepin’ knife », d’où vient « wee pen-knife » pour arriver à « little pen-knife. »
Richard Séguin – voix, guitare acousrique, mandoline