Robert Wilkins (1896 – 1987) était un guitariste et chanteur américain de blues country, le fils d’un père Afro-américain et d’une mère blanche et Cherokee. Il est né à Hernando, au Mississippi, au centre de l’industrie du cotton. Il se souvient d’avoir fait le trajet de 22 miles de Hernando à Memphis quand il était garçon. « On conduisait un wagon ou un chariot à Memphis » disait-il. « Je transportait cinq balles de cotton par équipe de deux mules jusqu’à l’hangar à cotton. Par la suite, je ramassais une cargaison pour ramener au magasin de marchandise. »
Lorsque Wilkins était très jeune, son père fut obligé de fuire le Mississippi afin d’éviter des poursuites pour du bootlegging. Sa mère s’est remariée à un très bon guitariste qui a appris à jouer à Robert. Après son service dans le Première Guerre mondiale, Wilkins a joué sur le même circuit que Furry Lewis, Memphis Minnie et Son House. Il a aussi formé un jug band pour tirer avantage de la folie pour les jug bands alors en vogue. Comme plusieurs de ses contemporains, il jouait pour des publics très différents à travers le Sud et devait être polyvalant pour gagner son pain. Donc, il jouait du ragtime, du blues, des chansons de ménestrel et du gospel, tous avec aise et dextérité. Il a enregistré quatre pièces pour la compagnie Victor en 1928 et huit pièces pour la compagnie Brunswick l’année suivante, y compris « That’s No Way To Get Along. » Grâce à son talent remarquable à la guitare, Wilkins a aussi joué sur un bon nombre d’enregistrements d’autres artistes, tel Will Shade, le fondateur du Memphis Jug Band et un des architectes de ce qui serait connu comme le Son de Memphis.
En 1935, Wilkins a enregistré cinq autres pièces pour la compagnie Vocalion mais les ventes chutaient pendant la Grande Dépression et il s’est rendu à l’évidence. En 1936, il a été témoin d’un meutre à un de ses concerts et il a commencé à douter de son choix de carrière. À la même époque, son épouse est devenue gravement malade et Wilkins, un homme religieux, a offert sa vie à Dieu en échange pour la vie de son épouse. Elle a guéri et, fidèle à sa parole, Wilkins est devenu membre du Church of God in Christ, devenant un ministre ordonné en 1950. Reconnu pour ses remèdes à base de plantes et ses guérisons, il n’a jamais délaissé la guitare, bien qu’abandonnant le blues pour des pièces gospel plus convenables. Par contre, il jouait toujours ses arrangements de blues comme des pièces instrumentales. À l’occasion, il ajoutait des paroles religieuses à ses vieilles pièces pour créer des « nouvelles » chansons, ce qu’il a fait avec « That’s No Way To Get Along. » Les nouvelles paroles étaient basées sur la parabole du Christ aux Pharisiens à propos de l’enfant prodigue, la troisième et dernière parabole qui forme un cercle de rédemption dans la Bible. Renommée « Prodigal Son », il a enregistré la pièce pour la compagnie Piedmont en 1964. Les Rolling Stones ont par la suite fameusement repris « Prodigal Son » sur leur album « Beggars Banquet » en 1968.
Le revérend Robert Wilkins a été redécouvert au début des années 1960, comme plusieurs des bluesmen de son époque qui avaient créé la musique roots à ses débuts. On l’a convaincu d’enregistrer un disque de chansons religieuses mais il n’a jamais joué du blues de nouveau. Il est fort probable que « That’s No Way To Get Along », une des meilleurs pièces de blues que j’ai entendue, aurait été perdue et oubliée si ce n’est de la détermination de certains artistes contemporains à préserver la musique d’antan. Je dois mentionner le travail de Valerie et Ben Turner, un couple marié qui joue le blues du style Piedmont avec beaucoup d’aplomb et de vie. Le Piedmont, une traduction litérale de « foothill », est un plateau de l’est des États-Unis situé entre la côte Atlantique et les montagnes Appalaches. Aussi, Guy Davis est un artiste important dont la voix et la guitare font beaucoup pour rajeunir le blues qui était. Davis est le fils de Ruby Dee (1922-1914) et « Ossie » Davis (1917-2005). Les deux furent de célèbres acteurs, poètes, dramaturges, scénaristes, journalistes et militants des droix civiques.
Le revérend Robert Wilkins est décédé à Memphis à l’âge de 91 ans. Son fils, le revérend John Wilkins, continue l’héritage du gospel de son père.
Richard Séguin – voix, guitare acoustique
Roch Tassé – shaker