Quand j’étais adolescent, plusieurs guitaristes détestaient la musique « country » – j’étais du groupe. Quand on lui a demandé, dans les années 50, ce qui constituait la musique « country », Harlan Howard (1927-2002), un compositeur populaire, a fameusement répondu « Trois accords et la vérité. » Je n’avais pas de problème avec la vérité mais ces trois accords me faisaient damner. Les guitaristes jouaient trois accords quand ils ne pouvaient pas jouer autre chose. Trois accords étaient une capitulation. Honnêtement, la musique « country » à l’époque nous présentait des chansons affreuses – « Stand By Your Man » de Tammy Wynette a, d’elle même, reculé les droits de la femme de 100 ans. J’ai changé d’opinion quand quelques artistes ont commencé à écrire des chansons vraies et honnêtes, comme « Mama Tried » de Merle Haggard (1937-2016) ou « Sunday Mornin’ Comin’ Down » de Kris Kristofferson (n. 1936).
De nos jours, des artistes d’horizons divers composent des chansons valables qui résonnent auprès de différents groupes. Une telle artiste est Mary Gauthier (n. 1962), qui a choisi un itinéraire détourné pour se rendre où elle est maintenant. Née à la Nouvelle-Orléans d’une mère qu’elle n’a jamais connue, elle fut adoptée à un an mais elle a dû combattre plusieurs démons en grandissant. La toxicomanie et une dépendance à l’alcool gouvernaient sa vie. À 15 ans, elle a quitté la maison et passé plusieurs années dans des centres de réadaptation, des maisons de transition ou avec des amis. Elle a célébré ses 18 ans d’une cellule de prison. Elle a éventuellement ouvert un restaurant Cajun à Boston mais fut arrêtée pour de l’alcool au volant à la soirée d’ouverture en 1990. Toutefois, elle a été sobre depuis. Elle a composé sa première chanson à l’âge de 35 ans et elle a vendu sa part dans le restaurant pour financer son deuxième disque. Depuis, sa carrière a montée en flèche. Elle s‘est présentée à plusieurs festivals folk, fut nommée pour trois Gay and Lesbian American Music Awards et aussi nommée nouvelle artiste de l’année par la American Music Association en 2005.
La plus célèbre de ses chansons est « Mercy Now », qu’elle a composé à une étape de sa vie où elle sentait qu’elle ne recevait pas l’attention artistique qu’elle méritait. Une de ses amies lui a suggéré que, compte tenu de sa vie jusqu’à présent, ce qu’elle méritait n’était peut-être pas souhaitable. Son amie lui a suggérer de plutôt prier pour de la miséricorde.
Ma version de « Mercy Now » n’utilise que les deux premiers versets de la chanson. J’ai composé les deux derniers versets pour éviter de chanter les derniers versets de Gauthier, qui glorifient l’Amérique, sa religion et son État, entre autres. Je ne suis pas Américain et je regarde l’Amérique d’au-delà de ses frontières. Je vois le génocide des Indiens américains (Premières Nations), le racisme systémique, la ségrégation, et le meurtre d’Afro-américains, l’adoption générale de l’esclavage, et la sanction des pistolets et des armes d’assaut par l’État, ce qui contribue à une parade sans fin de massacres. Pour ce qui est de la religion, il y a plus de 4 000 religions, dénominations et groupes confessionnels aux É. U., ce qui dilue toute idée de la foi. Souvenez-vous des Branch Davidians de Waco, au Texas, où le FBI et la secte se sont confrontés pendant 51 jours en 1993, menant à presque 80 morts. De plus, le Peoples Temple de Jim Jones a pris fin le 18 novembre, 1978 quand 909 personnes ont perdu la vie dans un meurtre/suicide communautaire à leur établissement de Jonestown, en Guyane.
Enfin, je trouve que « Mercy Now » est la pièce idéale pour ce temps de l’année et pour tous ceux qui ont témoigné la pandémie. De nos jours, nous avons tous besoin de miséricorde.
Richard Séguin – voix, guitares acoustiques, guitare électrique et contrebasse électrique
Roch Tassé a joué et enregistré la batterie au studio Howlin’ Huskies, Ste-Cécile-de-Masham, Qc