Eddie James « Son » House, Jr. (1902 – 1988) fut, à différents temps de sa vie, un diacre baptiste et un artiste du delta blues. Cette rencontre du sacré et du profane, du séculier et du spirituel, a fait de Son House un guitariste fiévreux et intense avec une voix à la fois puissante et déchaînée.
Quant il était jeune adolescent, la famille de Son House a déménagé du Mississippi à Algiers, en Nouvelle-Orléans. En parlant de ces années, il mentionne sa haine pour le blues et sa passion pour l’Église. À quinze ans, il a commencé à prêcher des sermons, en premier pour l’Église baptiste et ensuite pour l’Église méthodiste et épiscopale pour personnes de couleur. Par contre, il a cultivé des habitudes en conflit avec sa vocation, tel la boisson (comme son père) et la poursuite du jupon. Ceci l’a mené, après tant d’années d’hostilité envers la musique séculaire, à quitter l’Église et se tourner vers le blues à l’âge de vingt-cinq ans. Il a vite développé un style unique en mettant en application le drive rythmique, la puissance vocale et l’intensité émotive du sermon à sa locution du blues.
En 1928, Son House jouait dans un « juke joint » quand un homme a commencé une fusillade, blessant House à la jambe. House a retourné feu, tuant l’homme en légitime défense mais il fut reconnu coupable d’homicide involontaire, recevant une peine de quinze ans au pénitencier de Mississippi State (Parchman Farm), servant deux ans. À sa libération, le bluesman Charley Patton l’a invité à partager des engagements et à l’accompagner pour des enregistrements pour Paramount Records en 1930. Publiés au début de la Grande Dépression, les disques ne se sont pas vendus et House est demeuré inconnu à l’échelle nationale. Par contre, il était très populaire dans la région et, accompagné de Willie Brown, un associé de Patton, il est devenu un grand interprète régional et une influence formative sur Robert Johnson et Muddy Waters. En 1941 et 1942, il fut enregistré par le grand ethnomusicologue américain Alan Lomax. L’année suivante, il a quitté le delta du Mississippi pour Rochester, New York et a abandonné la musique.
On a « redécouvert » Son House à Rochester en 1964 et il était complètement ignorant du renouveau folk et blues des années 1960 et de l’enthousiasme international pour ses premiers enregistrements. Il a subséquemment fait la tournée des États-Unis et de l’Europe et a repris ses enregistrements. Comme Mississippi John Hurt, il a été accueilli à bras ouverts par la scène musicale, jouant au prestigieux festival folk de Newport en 1964, le festival folk de New York en 1965 et dans la tournée européenne du American Folk Festival en 1967, aux côtés de certains des meilleurs bluesmen, tel Skip James et Bukka White.
House fut tourmenté dans ses dernières années par une bien mauvaise santé et en 1974, il a dû prendre sa retraite pour de bon. Il est déménagé à Détroit, au Michigan, où il est demeuré jusqu’à sa mort du cancer du larynx en 1988. Il fut enterré au cimetière Mt. Hazel et des membres du Detroit Blues Society ont recueilli assez d’argent par des concerts bénéfice pour mettre un monument sur sa tombe.
Quand j’ai vu Son House jouer « Death Letter » sur un des programmes télévisés sur le renouveau folk à la fin des années 60, ça m’a marqué pour la vie. Là, le séculaire et le spirituel entraient en collision et déclenchaient une des plus mémorables performances de l’histoire du blues. House joue sa guitare à résonateur avec un tuyau de cuivre comme slide, sa main droite encerclant et martelant les cordes. Sa voix est celle d’un prédicateur dans sa chaire. Sa performance est, pour moi, la preuve de l’existence de Dieu et, fort probable, celle du Diable aussi. Voici le lien pour voir cette vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=NdgrQoZHnNY
Tout à fait à part de cette performance remarquable sont les paroles. À un temps où la musique pop était tout fleurs et soleil, Son House parlait de la mort, d’un corps sur une planche pour les préparations d’enterrement, de la vue du corps, du cimetière plein de monde et de la descente lente du cercueil dans la tombe. Ce fut mon destin de connaître ces choses à un jeune âge et ma performance de « Death Letter » est certainement psychothérapeutique.Les « lettres d’avis de décès » (death letters) sont un service offert par les administrations postales de la plupart des pays pour aider aux familles en deuil à communiquer la mort d’un proche au public. Typiquement, les lettres sont pré-imprimées avec les sentiments appropriés et ont une bordure noire, tout comme l’envelope utilisée.
Je suis très chanceux de pouvoir compter sur le support musical d’Alrick Huebener et de Roch Tassé, deux des meilleurs musiciens de la vallée des Outaouais.
Richard Séguin – voix, guitares électriques
Alrick Huebener – contrebasse acoustique
Roch Tassé – batterie