Les origines

La vraie histoire

En 1978 et 1979, quand j’étais un jeune homme, j’ai composé les 25 pièces sur les deux disques de « Eau de source » et 16 des 18 pièces du CD « Chants de pierre. » Par contre, ce projet a été conçu quand j’avais huit ou neuf ans.

Nous étions des voisins, des cousins, des frères. Nous étions jeunes et nous passions nos journées d’été dans le bois qui sillonnait le village à cette époque, libres comme des vikings conquérants. Derrière chez-nous, dans un creux humide et frais, il y avait une falaise de roc, la pierre formant un escalier qui grimpait la face de la muraille. En haut, on traversait un rideau de cèdres pour arriver sur un plateau de chênes, d’érables et de soleil, le royaume des lièvres et des corneilles.

Au pied de la falaise, il y avait une source qui coulait hiver comme été, son eau claire jallissant de la pierre, délicieuse et presque trop froide. Cette source était notre trésor, le centre d’un monde parfait plein d’espaces qui habitait dans nos cœurs comme un secret.

Élevé dans le mysticisme de la religion catholique, toutes les choses vivantes de ce monde mystérieux me semblaient apparentées. Le chêne était mon grand-père Villeneuve, sa peau d’écorce, son silence, sa sagesse et sa force. Et puisque les enfants chez-nous se tenaient à une distance respectueuse de la présence intimidante de mon grand-père, je me rachetais en tentant d’encercler ce chêne de mes petits bras, avec l’espoir et la prière que cette force et cette sagesse circuleraient comme une sève dans mes veines.

Et dans le silence de la nuit, à quelques cents verges de nos lits, la source coulait pendant que nous sommeillions.

À huit ans, ma foi était que chaque chose vivante de mon monde possédait un esprit qui habitait le même espace, mais un autre univers. Quand j’ai composé les pièces de « Eau de source » et « Chants de pierre », c’était comme si je traduisait les esprits de ces choses en musique, pour leur permettre de passer de leur univers au nôtre.

Aujourd’hui, je crois toujours que toutes les choses vivantes de ce monde sont apparentés : le chêne et l’érable, le lièvre et la corneille, l’eau et la pierre.