Archive for août, 2020

« Just Like Tom Thumb’s Blues » de Bob Dylan

En 1964, Bob Dylan a publié «  The Lonesome Death of Hattie Carroll », qu’il a chanté accompagné seulement d’une guitare acoustique. Les paroles se lisent comme un reportage de journal d’un événement qui a eu lieu le 9 février 1963 à l’Hôtel Emerson, au Maryland, où une servante noire de 51 ans nommée Hattie Carroll fut attaquée avec une canne par un riche client ivre de l’hôtel, William Zantzinger, 24 ans. Carroll est décédée huit heures après l’agression. Par la suite, Zantzinger a été trouvé coupable d’assaut et condamné à passer six mois à la prison du comté, un verdict qui en a exaspéré plusieurs.

En 1965, Bob Dylan a publié « Just Like Tom Thumb’s Blues », qu’il a chanté en jouant une guitare électrique, accompagné par Mike Bloomfield (guitare électrique), Al Kooper (piano électrique), et les musiciens de session Paul Griffin (piano), Harvey Brooks (contrebasse électrique) et Bobby Gregg (batterie). Les paroles décrivent une vision hallucinante de Juarez, au Mexique, où le narrateur rencontre de la pauvreté, de la maladie, du désespoir, de la prostitution, des autorités indifférentes, de l’alcool et des drogues, avant un retour final à la ville de New York. Les paroles font allusion aux œuvres de célèbres auteurs tel Malcolm Lowry, Edgar Allen Poe, Jack Keruac et Arthur Rimbaud.

Alors, que c’est-il passé? Comment a Dylan pu changer si complètement en une seule année?

Bien sûr, nous pouvons passer outre des manifestations superficielles du changement, tel les coiffures ou les vêtements. Toutefois, le changement d’instruments acoustiques aux instrments électriques est extraordinaire et a fourni à Dylan plus de couleurs pour sa palette. Les instruments électriques ont pu mieux exprimer les nuances de son nouveau monde en pleine expansion. Il ne chantais plus à propos des politiques corrompantes qui déchiraient et séparaient la société américaine. Par la suite, Dylan chantait à propos du monde entier, avec toute sa magie et toutes ses aberrations.

De mon point de vue, durant sa première période de « manifestations », Dylan chantait de thèmes qui se passaient dans un pays étranger. Si je trouvais sa cause juste (et c’était le cas), j’étais aussi conscient qu’il n’avait rien à faire avec le Canada. À part des exceptions rares comme Thomas D’Arcy McGee (1868), George Brown (1880) et Pierre Laporte (1970), nous n’assassinons pas nos politiciens au Canada. Nos restaurants servent tout le monde, nos motels accueillent toutes personnes et tout le monde peut utiliser les fontaines publiques. Il en a toujours été ainsi, du moins à ma connaissance. Nous ne sommes pas des Américains et, à partir de 1965, les compositions de Dylan ont quitté l’Amérique pour explorer les chemins non-fréquentés.

Alrick Huebener


Après 1965, les paroles de Dylan défient la logique du monde matériel. Il nous a donné des paroles inoubliables comme :

Yonder stands your orphan with his gun
Crying like a fire in the sun

ou des tournures incroyablement romantiques, tel :

The ghost of electricity howls in the bones of her face

Disparus sont les mots ordinaires exprimant la bigoterie et la haine. Ici était un poète qui tentait de décrire l’ineffable. Les paroles de « Just Like Tom Thumb’s Blues » ont occasionné beaucoup de confusion pour plusieurs gens, en commençant par le titre. Tom Thumb n’est pas mentionné dans les paroles et plusieurs pensent que la référence nous vient de Ma Bohème, d’Arthur Rimbaud, où il se compare au petit poucet qui observe les étoiles. Je crois plutôt que la logique se trouve dans la publication originale intitulée The History of Tom Thumb. Initialement destinée aux adultes, l’histoire fut modifiée au cours des années et reléguée aux pouponnières au milieu du 19e siècle. Publiée en 1621, c’est la première fable qui fut imprimée en anglais. À l’ère du roi Arthur, on y raconte l’histoire de Thomas of the Mountain, qui veut tellement un fils, même s’il n’est que de la hauteur de son pouce. Il envoie sa femme pour consulter Merlin le magicien et, trois mois plus tard, elle donne naissance au diminutif Tom Thumb. Plusieurs aventures bizarres surviennent à notre petit héros – il tombe dans une pâte et est cuit dans un pudding de Noël mais s’échape en mangeant le pudding! Tom se fait avaler (et excréter) par une vache, emporter par un corbeau et avaler à nouveau par un géant et un poisson. Je crois plutôt que Dylan fait une analogie entre ces épreuves fantastiques de Tom Thumb et la situation déprimante révélée dans les paroles de la chanson.

Roch Tassé


Vers la fin de mon arrangement, je fais un clin d’oeil aux Beatles en faisant une allusion musicale à leur composition, « I’ve Just Seen A Face. » Je dois aussi reconnaître les contributions inspirées d’Alrick et Roch, deux des meilleurs musiciens de notre région.

Richard Séguin – voix, guitares acoustiques à 6 et à 12 cordes
Alrick Huebener – contrebasse
Roch Tassé – batterie

Just Like Tom Thumb’s Blues

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« Police Dog Blues » d’Arthur « Blind » Blake

Vers le milieu des années 1920, les ventes solides et inattendues des 78 tours de Blind Lemon Jefferson, enregistrés pour Paramount Records, ont causé une ruée à travers le sud des États Unis afin de signer d’autres artistes du blues. Une de leurs meilleures trouvailles fut Arthur « Blind » Blake (1896-1934), un guitariste sophistiqué dont la voix chaleureuse et relaxe ajoutaient à son charme. Aujourd’hui, l’homme à la guitare « qui sonne comme un piano » est toujours considéré le maître du fingerpicking ragtime et blues à la guitare. Quelque-unes de ses chansons surlignent des phrases boogie-woogie qu’il a dû emprunter de ses contemporains tel le superbe Meade Lux Lewis, un maître du piano boogie-woogie. Certainement, aucun autre guitariste jouait de cette façon à cette époque.

Nous en savons très peu sur Arthur Blake. Il est né aveugle et son vrai nom était parfois en question – il fut simplement connu comme Blind Blake toute sa vie. La seule photo survivante de lui est un tirage publicitaire de Paramount Records, sa compagnie d’enregistrement à vie. Elle nous montre Blake assis les jambes croisées, habillé dans son meilleur complet et jouant une petite guitare de salon. Dans une décision des plus insensibles que j’ai connu, Paramount a inscrit une dédicace au bas de la photo disant « Cordially Yours, Blind Blake », dans une écriture de fantaisie. Tout le monde peut voir sur la photo que ses yeux sont enfoncés, qu’il est aveugle et donc incapable d’écrire. Un autre exemple du mépris flagrant envers les artistes noirs de cette époque.

Arthur Blake a enregistré pendant six ans, de 1926 à 1932, toujours avec Paramount Records. Durant ce temps, il était très populaire et a enregistré quelque 80 pièces en solo et, comme guitariste invité, sur plusieurs autres pièces de Leola Wilson, Ma Rainey, Bertha Henderson, Chocolate Brown, et plusieurs autres. Il était le guitariste le plus doué de son époque, possédait une voix puissante et était à l’aise avec le ragtime, les chansons populaires et le blues.

La publicité de Paramount dans le Chicago Defender, un journal Afro-américain populaire, souligne le style de guitare de Blake, souvent comparé à un piano à cause de sa dextérité remarquable sur l’instrument. De toutes ses pièces, « Police Dog Blues », enregistrée en 1929, est ma préférée. La chanson est non seulement un exemple classique du jeu sophistiqué de Blake à la guitare, mais met aussi en vedette un vocal plein de vie. La pièce est pleine d’humour et encore, elle peint une image dure de la vie d’un musicien itinérant pendant les années entre-guerres.

Étant aveugle, Arthur Blake a connu une vie plus difficile que d’autres. Dans une époque de ségrégation sévère, les Noirs ne pouvaient pas dormir dans les mêmes maisons d’hébergement, manger dans les mêmes restraurants, même pas boire de la même fontaine que les Blancs. Le « Green Book » (publié après la mort de Blake) n’existait pas pour aider les Noirs à choisir des hébergements accueillants. Dans « Police Dog Blues », Blake parle de voyager, de rester seul, de faire des modalités d’expédition pour que sa malle le suive partout où il jouait. Pour un homme noir et aveugle, une proie facile pour les bandits, c’était une vie dure et tu ne pouvais faire que de ton mieux.

En 1932, Paramount Records fut victime de la Grande Dépression, faisant faillite. Blake n’a pas enregistré par après et sa mort a suivi en 1934. Les détails de sa vie et de sa mort s’éloignaient de plus en plus. Le revérend Gary Davis croyait qu’il était tombé sous un tram, un destin plausible pour un aveugle. Ce n’est qu’en 2011 que des faits on fait surface lorsqu’un groupe de chercheurs, mené par Alex van der Tuuk, a publié des documents sur sa vie et sa mort dans la revue « Blues and Rhythm. »

Travaillant à partir d’une nécrologie publiée dans le Chicago Defender, ils ont cherché dans la région de Milwaukee et trouvé une partie éloignée du cimetière Glen Oaks où Blake reposait, la tombe perdue dans un buisson décoré de déchets et d’un drapeau américain. D’après le certificat de décès que le groupe a trouvé, nous savons qu’Arthur Blake est né à Newport News, en Virginie, et a épousé Beatrice McGee en 1931. Ceci m’est très récomfortant – Blake avait finalement quelqu’un avec qui il pouvait partager son monde sombre et solitaire. Il a sans doute senti diminuer le poids de sur ses épaules.

En avril 1933, Blake fut hospitalisé pour une pneumonie et il n’a jamais entièrement récupéré. Le 1er décembre 1934, après trois semaines de régression, Beatrice a appelé une ambulance. Il est mort en se rendant à l’hôpital, la cause du décès listée comme une tuberculose pulmonaire. Blake avait 38 ans. Il fut enterré au cimetière Glen Oaks à Glendale, au Wisconsin, dans une tombe précédemment sans inscription. L’enterrement fut payé par le comté alors que l’artiste populaire entendu et apprécié par plusieurs n’a jamais été payé convenablement pour ses efforts, comme bien d’autres. Grâce au travail acharrné de van der Tuuk et ses chercheurs, Arthur Blake a maintenant une pierre tombale convenable, tout comme son épouse Beatrice.

Ma guitare Taylor 30e anniversaire

En 2004, pour commémorer trente ans de fabrication de guitares, la compagnie Taylor a introduit une parution limitée d’une guitare Grand Concert mettant en vedette une tête de cheville classique, des incrustations de nacre et d’or 18k, les meilleurs bois et la fine pointe des techniques de construction. La guitare a une apparence ancienne, avant 1930, que je recherche depuis que j’ai vu la superbe guitare Martin 1928 de Jimmie Rodgers. Pas étonnant qu’une de ces beautés rares se retrouve dans la superbe collection de Pépé (Pierre Pinard), un ami de longue date. Après des pourparlers relaxes, cette guitare fait maintenant partie de ma collection. Je m’en suis servi pour mon enregistrement de « Police Dog Blues » et elle sera dorénavant ma guitare de choix.

Richard Séguin – voix et guitare acoustique

Police Dog Blues

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