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« The Promised Land » de Chuck Berry

J’écoute Chuck Berry depuis l’âge de six ans. J’ai eu la chance d’être témoin du bouleversement social qu’était le rock ‘n roll du milieu des années 50. J’ai aussi été très chanceux d’avoir un grand frère qui me laissait jouer sa superbe collection de disques. Mes préférés étaient Chuck Berry, Jerry Lee Lewis et Little Richard. Ça ne m’est jamais venu à l’esprit que certains de ces artistes étaient noirs, d’autres blancs. Mais c’était exactement ce qui préoccupait l’industrie du disque.

Je n’ai jamais entendu « The Promised Land » à la radio quand Chuck Berry l’a publié en 1964. En 1971, j’ai entendu deux versions différentes de la pièce – Johnnie Allen a sorti une superbe interprétation cajun (avec le magnifique Belton Richard à l’accordéon) et Rockpile, le groupe de Dave Edmunds, a suivi avec sa super version rock. C’était pratique courante à l’époque d’entendre des reprises à la radio, où un hit par un artiste noir était réenregistré en vitesse par un artiste blanc, qui obtenait toute la diffusion. La pièce de Chuck Berry « Brown-Eyed Handsome Man » (1956) était originalement nommée « Brown-Skinned Handsome Man » mais c’était plus facile d’obtenir de la diffusion à la radio avec le nouveau nom. Pour ce qui est de « The Promised Land », la pièce était largement ignorée en 1964 parce que Chuck Berry sortait juste de prison et l’industrie du disque ne voulait pas s’en mêler. On chuchotait qu’il avait été emprisonné pour une affaire de prostitution mais Chuck Berry fut emprisonné parce qu’il était un homme noir qui ne connaissait pas sa place.

On a promulgué le Mann Act aux États-Unis pour tenter de contrôler la prostitution ou tout autre acte « immoral » impliquant le transport entre États. En pratique, le Mann Act donnait carte blanche pour l’arrestation de n’importe quel noir, pour n’importe quelle raison. Jack Johnson, le premier Afro-américain champion mondial de la boxe, fut arrêté deux fois en 1916 en vertu du Mann Act, pour avoir eu une copine blanche. En 1959, Chuck Berry était beau, riche, conduisait une Cadillac, portait des vêtements criards et avait plusieurs copines, certaines blanches. Un policier blanc qui pouvait difficilement nourrir sa famille avec son salaire de crève-faim ne pouvait pas laisser ça aller. On devait lui montrer sa place. Chuck Berry fut arrêté en 1959, condamné à cinq ans de prison, une sentence réduite à trois ans plus tard. Il fut incarcéré pour un an et demi.

La discrimination raciale est enracinée dans la société amécaine depuis des siècles. Ils s’en ont fait une Guerre civile. Je refuse de me lancer dans les attocités survenues en 1916 dans l’affaire Jesse Washington, mais je vous encourage de le faire. Il est important de connaître qui ses voisins sont vraiment.

Dans ma vie, j’ai été témoin du lynchage systématique et du meutre de noirs aux États-Unis. Le 21 juin 1964, quand je commençais mon secondaire, trois travailleurs des droits civiques sont disparus après que la police de Philadelphia, au Mississippi, les avaient arrêtés. Ils faisaient partie de la campagne « Freedom Summer » pour aider les noirs à s’enregistrer pour voter. Le 4 août, le FBI a trouvé les corps des trois hommes dans un barrage de terre, enterrés avec huit autres corps d’hommes noirs lynchés auparavant. L’excellent film d’Alan Parker « Mississippi Burning » (1988) est basé sur cet incident. Dernièrement, le film « BlacKkKlansman » de Spike Lee (2018) se penche sur un autre incident impliquant le lynchage et le Klu Klux Klan. Et il ne faut pas oublier Colin Kaepernick, le talentueux jeune quart-arrière des 49ers de San Francisco qui a eu l’audace de s’agenouiller pendant l’hymne national pour protester la brutalité policière et l’oppression des Noirs. L’Amérique blanche, suivant le plus gros idiot du pays, n’a pas tardé à tout changer ça en un manque de respect envers les forces armées, un sujet sacro-saint chez nos voisins belliqueux, et Kaepernick n’a pas joué au football depuis. Le monde raisonnable a vite trouvé ça risible et Nike a lancé une nouvelle campagne de promotion avec Kaepernick comme porte-parole, menant à des incendies répandus de souliers Nike, tout comme on brûlait les disques rock ‘n roll dans les années 50.

Je n’ai entendu la version originale de « The Promised Land » que dans les années 80. Ça m’a fait sourire parce que ça me rappelait le hit de Chuck Berry en 1958, « Sweet Little Sixteen .» À l’époque, j’étais en troisième année et j’avais soif de connaissances et le refrain de « Sweet Little Sixteen » mentionnait le nom sept villes et lieux – c’était comme une leçon de géographie gratis! Par contre, « The Promised Land » mentionne pas moins de ving-et-un noms de villes ou de lieux! À la surface, les paroles de la pièce sont à propos d’un trajet de bus de la côte est des États-Unis à la côte ouest, plein de problèmes moteur, des contretemps et d’autres ennuis. Ayant déjà décidé d’enregistrer la pièce, j’étais curieux au sujet de Rock Hill (Caroline du sud), que j’ignorais complètement. J’ai trouvé qu’en 1961, quand Chuck Berry écrivait « The Promised Land » de sa cellule de prison, Rock Hill fut le premier stop d’un jeune groupe d’activistes politique nommé les « Freedom Riders », qui, à bord d’autobus, traversait les États-Unis pour protester contre la ségrégation dans toutes les installations publiques. Quand ils ont débarqué à Rock Hill, ils ont été battus par une foule de blancs, incontrôlée par la police. Les « Freedom Riders » ont fait plusieurs arrêts sur leur trajet à travers le Sud. À Charlotte (Caroline du nord), certains ont été arrêtés, d’autres battus. En Alabama, un de leurs autobus a été incendié. À Birmingham (Alabama), une autre foule de blancs les ont attaqué. À ce moment, on a dû évacuer les « riders » à la Nouvelle-Orléans, prenant soin d’éviter Rock Hill, lieu des premières violences. Tout était juste là devant moi, tous les lieux mentionnés dans la chanson. J’avais trouvé le vrai sens de « The Promised Land. »

Et ça, c’est Chuck Berry. À la surface, il est un grand chanteur, un compositeur doué plein d’imagination, un parolier plein d’esprit et un guitariste talentueux et influent.

Richard et Roch


Mais si on regarde sous la surface, Chuck Berry est un des artistes les plus importants du vingtième siècle.

 
Richard Séguin – voix, guitares électriques, contrebasse électrique

Roch Tassé – batterie

The Promised Land

 
PS Chuck Berry est décédé en mars, 2017. De crainte qu’on oublie sa beauté incroyable, le voici à son meilleur.

 

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« Now Westlin Winds » de Dick Gaughan

Dans les années 60 quand j’apprenais à jouer de le guitare, une grande source d’inspiration et de matériel venait du renouveau britannique dans la musique traditionnelle et celtique, mené par des guitaristes et chanteurs comme Davey Graham (1940-2008), Bert Jansch (1943-2011), Martin Carthy (né 1941) et John Renbourn (1944-1915). Leur influence a couvert le globe et inspiré plusieurs guitaristes, dont Dick Gaughan, un guitariste/compositeur écossais. Durant sa carrière, Gaughan a aussi travaillé comme producteur et ingénieur de disques, programmeur MIDI et orchestrateur, composant la musique pour des films de la BBC et du Scottish Arts Council. Il a aussi été l’objet de trois documentaires complets de la BBC en Grande Bretagne.

Dans les années 70, Gaughan s’est joint aux groupes celtiques The Boys of the Lough et Five Hand Reel, passant beaucoup de temps sur la route, loin de sa famille. Ceci a mener à une consommation d’alcohol excessive et un train de vie malsain qui l’ont terrassé physiquement et mentalement. Toutefois, Gaughan s’en est remis et en 1981, il a publié « Handful Of Earth », un disque acclamé de part et d’autre qui fut nommé disque folk de l’année et meilleur disque de la décennie par les médias et les critiques. À mon avis, « Handful of Earth » a aussi été un facteur important dans la lutte vers l’indépendance écossaise.

« Handful of Earth » offre un mélange de chansons politiquement intenses et fièrement traditionnelles, aucune plus émouvante que « Now Westlin Winds », qui nous vient à travers un océan de temps qui couvre quelques 250 ans. Robert Burns (1759-1796), le poète national de l’Écosse, a écrit ce poème pour un de ses premiers amours, Margaret Thompson ( « Peggy » dans la chanson), quant il n’était qu’un adolescent. Peut-être plus célèbre pour sa chanson « Auld Lang Syne », Burns est célébré à travers le monde chaque 25 janvier (sa date de naissance), date qui est connue comme « la journée Robbie Burns. »

L’amour profond que Burns avait pour la nature est évident dans « Now Westlin Winds », comme l’est sa haine intense pour la chasse et les chasseurs, avec les références « slaughtering guns », « murdering cry » et « gory pinion. » Burns fait allusion à plusieurs oiseaux dans le poème, plusieurs d’entre eux inconnus en Amérique du Nord et j’ai pensé qu’une liste serait utile. Ils sont : moorcock (béquille), partridge (perdrix), plover (pluvier), woodcock (bécasse), hern (héron), cushat (pigeon ramier), thrush (grive), linnet (linotte) et swallow (hirondelle).

Je suis de près l’arrangement brillant et magistral que Dick Gaughan a trouvé pour « Now Westlin Winds », certainement la version de référence pour toutes celles qui suivront.

 

Richard Séguin – voix et guitare

 

Now Westlin Winds

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« Hard Time Killing Floor Blues » de Skip James

Nehemiah “Skip” James (1902 – 1969) était un chanteur, guitariste, pianiste et compositeur américain se spécialisant dans le blues du Delta. James accordait sa guitare à un accord peu commun de D mineur ouvert, même si ses chansons étaient jouées et chantées en D majeur. Les tonalités et résonances résultantes donnaient à sa musique une qualité sinistre et hantée, encore plus que le blues plus conventionel. James a appris cette façon d’accorder une guitare de son mentor, le bluesman Henry Stuckey, jamais enregistré, qui lui l’avais appris en France de soldats bahamiens durant la Première Grande Guerre.

Les premiers enregistrements de James avec Paramount Records ont eu lieu en 1931 mais les ventes étaint pauvres, publiés commes ils l’étaient durant la Grande Dépression, où les gens n’avaient pas d’argent à dépenser sur des disques. Comme la plupart des bluesmen enregistrés durant cette première grande vague d’enregistrements par les compagnies du nord, James a disparu dans l’obscurité jusqu’à ce qu’il soit redécouvert en 1964, durant le renouveau folk et blues. Durant ce temps James a joué à des festivals de folk et blues, s’est produit en concert à travers le États Unis et en Europe, et a enregistré plusieurs disques pour plusieurs compagnies. Ses pièces ont influencé des générations de musiciens et ont été adaptées par plusieurs artistes.

James a enregistré 18 chansons en 1931, plusieures d’entre-elles qui sont maintenant des classiques du canon du blues, comme celle que j’ai choisie ici, « Hard Time Killing Floor Blues », une chanson de la Grande Dépression qui parle de gens en mouvement perpétuel, comme des phantômes dans un purgatoire terrestre. Comme d’autres pièces enregistrées par James, c’est un des premiers exemples d’une fusion de la musique gospel avec le blues. Son House, qui enregistrait pour Paramount à la même époque, jouait aussi dans ce nouveau style gospel/blues – pas très surprenant puisque James et House étaient tous deux des ministres ordonnés. Plus tard dans les années 60, le style gospel/blues a été développé par des artistes comme Ray Charles et Aretha Franklin.

Une excellente version de la pièce « Hard Time Killing Floor Blues », jouée par Chris Thomas King, fait partie de la bande sonore du superbe film des frères Coen, « Oh Brother, Where Art Thou? » La bande sonore a gagné trois Grammys, y compris le Grammy pour le meilleur disque de l’année en 2002.

Quelques expressions utilisées dans la chanson ont besoin d’une explication : « killing floor » est une expression courante du blues et désigne la partie d’un abattoir où les animaux sont abattus; « dry long so », utilisé moins fréquemment, veut dire épuisé par la pauvreté.

À la fin de 1966, le trio rock Cream (Eric Clapton, Jack Bruce, Ginger Baker) a publé son premier disque, qui comprennait plusieurs standards du blues, y compris « I’m So Glad » de Skip James, un autre de ses enregistrements de 1931. Toujours respectueux de la musique blues et des pionniers du genre, Clapton s’est assuré que les crédits de composition pour ces vieilles pièces étaient tous attribués aux compositeurs originaux. Ceci était en contraste avec d’autres groupes de l’époque, tels The Rolling Stones et Led Zeppelin, qui usurpaient honteusement les crédits de composition de ces vieux bluemen agonisants ou morts, allant même jusqu’à voler d’artistes contemporains comme Ry Cooder et Bert Jansch.

Dans les années 70, Jack Bruce jouait au Spectrum de Philadelphie avec Leslie West et Corky Laing du groupe Mountain. Bruce a rencontré dans le vestiaire une vieille dame assise incomfortablement parmi un vacarme de musique rock. C’était la veuve de Skip James. Elle avait voyagé jusqu’à Philadelphie pour remercier Bruce d’avoir enregistré « I’m So Glad. » Elle lui a dit que sa famille avait reçu plus d’argent des royautés de composition pour cette seule pièce que Skip James en avait accumulé durant toute sa carrière de musicien. L’argent lui a permi de recevoir des soins médicaux adéquats durant ses derniers jours, ainsi que des funérailles honorables. Parfois, tout simplement faire la bonne chose peut changer des vies.

J’ai enregistré « Hard Time Killing Floor Blues » comme James l’a fait en 1931. Ma voix et ma guitare, accordée en D mineur ouvert, sont enregistrées directement par microphone, comme on le faisait dans les temps pré-numériques.

 

Richard Séguin – voix et guitare

 

Hard Time Killing Floor Blues

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« Papa’s on the Rooftop » de Leroy Carr

Dans les années 1920, quelques compagnies américaines ont contruit une machine portative à produire des disques et ont parcouru le sud rural afin de faire les premiers enregistrements de styles de musique ethnique tel le cajun, le traditionel, la musique mexicaine et hawaïenne et même des chants amérindiens. Ces enregistrements furent appelés le « Big Bang » de la musique américaine par Johnny Cash. Aussi, la première musique jug band fut enregistrée à cette époque par le Memphis Jug Band. Trop pauvres pour posséder des instruments, ces artistes créaient leur musique avec divers articles et des objets trouvés tels les harmonicas, les kazoos, les cruches, les peignes et les contrebasses construites avec une cuve de lavage, un manche de balai et une corde quelconque.

J’ai entendu la musique jug band pour la première fois dans les années 60 quand j’ai vu le Jim Kweskin Jug Band sur les programmes de musique folk à la télé à cette époque. Un de mes orchestres préférés, le Jim Kweskin Jug Band a transformé la musique d’avant la Seconde Guerre mondiale en un mélange animé de blues, ragtime et folk. Le jug band de Kweskin s’est formé graduellement. Quand Kweskin était à l’université de Boston, il a vu un orchestre nommé The Hoppers qui métait en vedette un joueur de contrebasse « cuve de lavage » nommé John « Fritz » Richmond. Plus tard, il a rencontré et commencé à jouer avec Geoff Muldaur, un mordu du blues. Quand Fritz Richmont est revenu d’une tournée avec l’Armée américaine, ils ont formé le Jim Kweskin Jug Band, ajoutant Mel Lyman au banjo et à l’harmonica, et Richard Greene au violon. Le groupe a connu un succès immédiat et a signé un contrat d’enregistrement avec Vanguard Records.

C’est en jouant au Bottom Line de New York qu’ils ont rencontré Maria D’Amato, qui chantait et jouait du violon avec le Even Dozen Jug Band, et elle a accepté l’invitation de déménager à Cambridge pour joindre l’orchestre de Kweskin. Peu après, elle a épousé Geoff Muldaur. Le Jim Kweskin Jug Band a cessé dans les années 70 mais Geoff et Maria Mulaur ont joué sur le circuit folk, tout comme Kweskin, parfois accompagné de Geoff Muldaur. Fritz Richmond est devenu un célèbre ingénieur de son et producteur de disques. Maria Muldaur a aussi eu une courte mais fructueuse carrière solo, enregistrant l’énorme succès « Midnight at the Oasis » en 1973. La chanson a été en nomination pour un Grammy.

« Papa’s on the Rooftop », une pièce très populaire dans le répertoire de Kweskin référée principalement comme « Papa’s on the Housetop », fut composée et enregistrée en 1930 par le pianiste-compositeur Leroy Carr (1905-1935). Un alcoolique, Carr est décédé peut après son 30e anniversaire dû aux complications d’une maladie du foie.

J’ai choisi de varier mon arrangement et quelques parole de cette pièce mais mon fingerpicking est semblable à celui de Kweskin, un disciple de Blind Boy Fuller et, comme moi, Mississippi John Hurt.

 

Richard Séguin – voix, guitares acoustiques

 

Papa’s on the Rooftop

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« Buckets of Rain » de Bob Dylan

En 1966, Bob Dylan fut impliqué dans un accident de motocyclette qui a mis une fin temporaire à sa carrière. Durant sa récupération, tout a changé et les enregistrements qu’il a publié par après étaient généralement acoustiques et, au mieux, moindrement intéressants. Les temps étaient difficiles – comme il l’a dit lui-même à l’époque, «Tout était faux, le monde était absurde. » Mais en 1975, Dylan a publié « Blood on the Tracks », un des plus importants disques de sa carrière. « Buckets of Rain », que je joue ici, est un blues « country » qui met fin au disque, joué dans le style de finger-picking Piedmont. Ce style, basé sur la musique de piano Ragtime, tire son nom du plateau Piedmont de l’est des É-U, d’où plusieurs des guitaristes qui jouaient ce style sont originaires.

Je joue cette pièce de Dylan dans le style de Mississippi John Hurt. En 1965 et 66, j’ai vu Mississippi John jouer sur quelques programmes de télé sur le renouveau folk, populaires à l’époque, et j’ai tout de suite compris que, plus que toute autre chose au monde, je voulais jouer comme lui. Plus tard, j’ai su que Mississippi John (1892-1966) avait appris à jouer de lui-même, tout comme moi. Il était agriculteur d’Avalon au Mississippi qui fut enregistré en 1928 par la compagnie de disques Okeh mais les enregistrements n’ont jamais trouvé audience. Il est retourné à sa ferme d’Avalon pour presque quarante ans. En 1964, il a été enregistré par la Bibliothèque du Congrès et ces enregistrements ont connu un grand succès avec notre génération et Mississippi John est devenu le favori des foules sur le circuit collégial et des cafés. Malheureusement, il est décédé avant de pouvoir jouir de cette popularité tardive. Son influence sur la musique contemporaine est vaste et ses pièces ont été enregistrées par des artistes comme Bob Dylan, Doc Watson, Bruce Cockburn, Gillian Welch et Taj Mahal, entre autres.

Grandissant à Rockland, c’était difficile pour moi d’apprendre le style de finger-picking de Mississippi John, pour la bonne raison que je n’avais pas d’argent et donc j’étais sans ma propre guitare! Je jouais sur de piètres instruments empruntés. Bien sûr, il n’y avait pas d’internet ni de magazins de musique à Rockland alors j’épargnais pour pouvoir acheter les disques de Mississippi John à Ottawa. J’ai aussi commandé des livres sur le finger-picking par la poste, mes préférés étant ceux publiés par le guitariste Stephan Grossman à New York, qui a eu une sphère d’influence énorme sur des milliers de guitaristes. J’ai acheté ma première guitare quand j’ai commencé à travailler à l’âge de dix-neuf ans. Éventuellement, j’ai appris à jouer dans un style semblable à Mississippi John Hurt – le mien est plus percutant. Mes premières compositions enregistrées dans les années 70 furent tous basées sur ce style de finger-picking. À ce jour, ce dont je suis le plus fier est d’avoir appris à jouer comme Mississippi John Hurt, un de mes plus grands héros.

Richard Séguin – voix, guitares acoustiques, contrebasse électrique

Buckets of Rain

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« Forty-Four » de Howlin’ Wolf

« Forty-Four » est une pièce classique du blues dont les origines ont été retracées à la Louisiane du début du 20e siècle. Dans ses premières formes, la pièce était un blues instrumental joué au piano et parfois connu comme « The Forty-Fours. » Little Brother Montgomery, généralement crédité du développement de la pièce, l’a enseigné au pianiste Lee Green, qui l’a enseigné à Roosevelt Sykes. C’est Roosevelt Sykes qui a fourni les paroles à la pièce et l’a enregistré pour la première fois en 1929. C’était son premier disque et la chanson est devenu sa pièce-signature. Avec de nombreuses adaptations et enregistrements au cours des années,« Forty-Four » est demeuré une partie vibrante du lexique du blues jusqu’à ce jour.

Quand Howlin’ Wolf a enregistré sa version de « Forty-Four » en 1954, tout a changé. Appuyant l’harmonica et le vocal de Wolf, les musiciens étaient Hubert Sumlin et Jody Williams à la guitare électrique, Otis Spann au piano, Willie Dixon à la contrebasse et Earl Phillips à la batterie. Ils transforment « Forty-Four » en un blues impérieux de Chicago mettant en vedette des passes de guitares agressives. Par contre, c’est la prestation de Earl Phillips qui commande la chanson, avec sa cadence militaire sur le snare et une grosse caisse qui descend comme un marteau. Avec la voix sévère et irrésistible de Wolf, l’effet global fut décrit par un critique de l’époque comme « menacant. »

Quand j’avais 21 ans, mon frère s’est acheté un magnétophone Sony et j’ai enregistré quelques unes de mes chansons préférées avec des amis musiciens au sous-sol de notre demeure. J’étais de plus en plus captivé par le blues à l’époque et une des pièces que nous avions enregistré est « Forty-Four. » Incroyablement, les bandes magnétiques ont survécu et je peux entendre la passe d’Hubert Sumlin que j’avais légèrement modifiée pour cet enregistrement. J’ai conservé cette modification sur notre enregistrement. Lowell George (1945-1979) a introduit une guitare slide dans la version de « Forty-Four » enregistré par Little Feat et j’ai aussi utilisé un slide ici.

Wolf n’a chanté que deux versets sur son enregistrement historique de « Forty-Four » et j’en ai ajouté deux. Le troisième verset vient de l’enregistrement original de Roosevelt Sykes en 1929. Le dernier verset vient de « I Asked For Water », un blues transe classique d’Howlin’ Wolf.

Richard Séguin – voix, guitares électriques, guitare slide, guitare MIDI (piano)
Alrich Huebener – contrebasse
Roch Tassé – batterie, buffalo drum

Forty-Four

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« Orphan Girl » de Gillian Welch

Le pays des États Unis fut peuplé en majorité par des immigrants de l’Angleterre, l’Irlande, l’Écosse et l’Afrique occidentale. Ces différentes cultures avaient toutes leur propre musique et leurs propres instruments. Transmise d’une génération à l’autre, cette musique diverse a changé et, comme ces groupes ethniques différents s’entremêlaient, il en suit une musique hybride couramment connue comme le folk, le bluegrass, le cajun, le blues et la musique « old time » La seule chose que ces styles ont en commun est qu’ils sont tous joués sur des instruments non-électriques.

Comme adolescent, je suis arrivé à la musique acoustique à travers Bob Dylan et j’ai tout de suite été captivé par la musique celtique de guitaristes comme Bert Jansch (1943-2011). Une des circonstances les plus satisfaisantes de ma vie est de témoigner la vitalité infusée dans la musique acoustique par d’excellents jeunes musiciens et le respect de la tradition que leur nouvelle musique illustre. Gillian Welch est une telle musicienne.

À travers ses parents, Gillian Welch a connu la musique de Bob Dylan, Woody Guthrie et de la famille Carter. Elle a composé « Orphan Girl », une chanson de foi et de famille, comme partie de son premier disque, « Revival. » Ses compositions sombres et minimalistes, accompagnées de l’excellent guitariste David Rawlings, la place à l’avant-garde de la musique acoustique contemporaine.

Richard et Mélanie

Sur cet arrangement de « Orphan Girl », il me fait grand plaisir de vous présenter la nouvelle voix passionnante de Mélanie Phipps. Mélanie demeure avec sa petite famille dans la région de La Pêche au Québec. Comme moi, ses premiers souvenirs de la musique viennent de sa mère, qui chantait à elle-même en travaillant. En grandissant, la musique faisait partie des rencontres familiales et elle s’est jointe à plusieurs chorales dans les régions de Montréal, Ottawa, Chelsea et Wakefield. Melanie est bien connue dans quelques boîtes de Wakefield, où elle chante à l’occasion. Elle joue du ukulélé et a commencé à composer quelques pièces alors j’envisage d’autres collaborations avec Mélanie dans un avenir pas trop lointain.

Mélanie Phipps – voix
Richard Séguin – guitare acoustique, mandoline

Orphan Girl

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« Folsom Prison Blues » de Johnny Cash

Johnny Cash (1932-2003) fut un des artistes les plus populaires de tous les temps, avec des ventes de plus de 90 millions de disques à l’échelle mondiale. Bien que principalement associé à la musique country, il était confortable avec le rock ‘n roll, le rockabilly, le blues, le folk et le gospel. Cash a la distinction d’être à la fois intronisé aux Temples de la renommée du rock ‘n roll, de la musique country et du gospel.

De nature insoumise, Cash a toujours été à la défense des pauvres, des dépourvus et des opprimés, chantant ses chansons de chagrin, de détresse morale et de rédemption. Il portait toujours du noir sur scène et il était pour tous « l’homme en noir. »

La famille Cash était pauvre et a connu les épreuves de la Grande Dépression. Jack, le frère aîné de Johnny, travaillait dans une scierie pour aider la famille mais en 1944, il fut impliqué dans un accident à la scierie et est décédé à l’âge de 15 ans. Dévasté, Johnny, lui-même à 12 ans, a lutté toute sa vie avec la culpabilité produite par la perte de son frère.

Alrick

En 1954, Cash a signé avec Sun Records à Memphis, où Sam Phillips avait déjà Elvis Presley, Jerry Lee Lewis, Carl Perkins, Roy Orbison et Howlin’ Wolf sous contrat. Les premiers enregistrements de Cash, « Hey Porter » et « Cry, Cry, Cry », ont connu un succès immédiat au palmarès country. D’autres succès comme « Folsom Prison Blues » et « I Walk the Line » ont assurés que la valeur marchande de Cash, comme celle d’Elvis, dépasse le budget limité de Sam Phillips. Les deux artistes ont signé des contrats lucratifs ailleurs.

De toute sa carrière illustre et fructueuse, Johnny Cash a pris une décision courageuse et de grande portée quand, en 1968, il a publié des enregistrements réalisés à la prison Folsom State en Californie. Le disque a été un immense succès, atteignant le numéro 1 des palmarès Billboard en country et en pop. D’autres concerts et enregistrements dans des prisons ont solidifié l’image hors-la-loi de Cash et l’ont fait aimer d’une grande section de la population mondiale. En 1972, Cash a rencontré le président Richard Nixon à la Maison Blanche pour plaider la cause de la réforme pénitentiaire. Toujours du côté des non représentés, Cash a publié le disque « Bitter Tears: Ballads of the American Indian » en 1964. Son activisme pour les Amérindiens a typiquement rencontré une résistance fanatique de la part des stations de radio, de l’industrie du disque et des médias mais Cash a quand même foncé de l’avant.

Richard et Roch


La carrière de Cash s’est rajeunie en 1994 quand il a publié ses « American Recordings », un succès auprès du public et des critiques. Cash a enregistré ces pièces accompagné seulement de sa guitare tandis que pour «Unchained » en 1996, il était accompagné de Tom Petty and The Heartbreakers. Les deux disques mettaient en vedette des chansons austères d’artistes plus contemporains et les deux disques ont gagnés des Grammys.

Nous jouons mon arrangement de « Folsom Prison Blues » dans la veine traditionnelle du blues, une approche dont Keb Mo s’est fait le champion.

Richard Séguin – voix, guitares et mandoline
Alrick Huebener – contrebasse
Roch Tassé – batterie

Folsom Prison Blues

Photo d’Alrick par Kate Morgan

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« My Babe » de Little Walter

Little Walter (Marion Walter Jacobs, 1930-1968) fut un chanteur et compositeur de blues dont l’approche simple mais révolutionnaire à l’harmonica a changé le cours de la musique contemporaine. Frustré d’entendre les guitares électriques noyer son harmonica, Little Walter a commencé à mettre ses deux mains autour de l’harmonica et un petit microphone branché dans un système de sonorisation ou un amplificateur. Le son résultant était incroyablement fort et ses courbes et hurlements sur l’harmonica, même son souffle, sortaient comme quelque chose d’irrésistible. C’était un son jamais entendu auparavant et impossible à reproduire sur tout autre instrument. Par après, tout le monde a voulu jouer comme lui. Il fut intronisé au Temple de la renommée du Rock ‘n Roll en 2008.

Little Walter a quitté la Louisiane rurale à l’âge de douze ans pour se balader, jouant avec des artistes comme Sonny Boy Williamson et Sunnyland Slim avant d’arriver à Chicago en 1945. Il s’est joint à l’orchestre de Muddy Waters en 1948 et une écoute aux enregistrements historiques tel « Long Distance Call » et « She Moves Me » suffit à comprendre comment Little Walter changeait si dramatiquement le son du blues. En 1952, il a quitté l’orchestre de Muddy pour enregistrer de lui même et son premier enregistrement, une pièce instrumentale nommée « Juke », a atteint le numéro un du palmarès Billboard R&B, la seule pièce instrumentale à jamais ce faire. Little Walter a connu quatorze succès top dix au palmarès Billboard R&B entre 1952 et 1958 (dont « My Babe », un autre enregistrement numéro un en 1955), éclipsant même les succès de Muddy Waters et de ses collègues de Chess Records, Howlin’ Wolf et Sonny Boy Williamson.

Alrick


« My Babe », comme la majorité du répertoire du blues de Chicago après la guerre, fut composé par Willie Dixon, le contrebassiste et homme A&R (artistes et répertoire) de Chess Records. La chanson est basée sur « This Train (Is Bound For Glory) », une pièce gospel traditionnelle enregistrée à la fin des années 30 par la sublime Sœur Rosetta Tharpe. C’est Ray Charles qui fut le premier à adapter les chansons sacrées en chansons séculaires, une pratique controversée, en changeant l’hymne gospel « It Must Be Jesus » en « I Got A Woman », son succès numéro un au palmarès Billboard R&B au début de 1955. Peu après, Little Walter a enregistré « My Babe » et sa parution au palmarès Billboard R&B a éclipsé « I Got A Woman », passant cinq semaines en première position et devenant un des plus gros succès R&B de 1955.

Richard and Roch


Vers la fin des années 50, Little Walter a enregistré son harmonica sur des sessions d’artistes comme Jimmy Rogers, Memphis Minnie, Bo Diddley, Otis Rush et Robert Nighthawk. Cette période a coïncidé avec son déclin en gloire et en fortune. Un petit homme court dans le monde dur et macho du blues de Chicago, Little Walter était alcoolique avec une mèche courte, ce qui le menait à des altercations violentes qu’il ne gagnait pas souvent, comme le démontrent les cicatrices de couteau à sa figure.

Little Walter a fait des tournées de l’Europe en 1964 et 1967. De retour chez lui, il fut impliqué dans une dernière querelle en prenant une pause durant un concert dans une boîte de nuit dans le côté sud de Chicago, une région de très mauvaise réputation. Tôt le lendemain, le 15 février 1968, il est mort dans son sommeil des blessures subies dans cette bataille. Little Walter avait 37 ans.
 
Richard Séguin – voix, guitares électriques
Alrick Huebener – contrebasse
Roch Tassé – batterie

 
My Babe

Photo d »Alrick par Kate Morgan

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« Jersey Girl » de Tom Waits

Tom Waits vient d’une famille ordinaire celtique/norvégienne de classe moyenne et, en dépit de ses démons personnels, il est devenu un des plus grands artistes de ma génération. Deux de ses disques ont gagné des Grammy et il est membre du Temple de la renommée du Rock ‘n Roll, malgré le peu de soutien qu’il a reçu de la radio et des vidéos, étant donné le caractère abrasif de sa musique et de ses paroles. En musique, il emprunte du blues, du jazz, du vaudeville et même de la musique industrielle. En paroles, Waits est un disciple de Jack Kerouac, le Beat Generation et Dylan. Sa voix, décrite par un critique comme étant « trempée dans du whisky et laissée à pendre dans le fumoir », est une glorieuse réincarnation de Howlin’ Wolf, avec un peu de Screamin’ Jay Hawkins pour bonne mesure.

Alrick


Bien souvent, les chansons de Waits sont associées avec des artistes plus connus, tels The Eagles (Ol’ ’55), Rod Stewart (Downtown Train), Bruce Springsteen (qui embrasse la rivalité New York/New Jersey dans sa version de « Jersey Girl ») et Sarah Jarosz (Come On Up To The House).

« Jersey Girl » est un superbe paysage sonore évocateur de carnavals sur la rive, la lune reflétée sur l’eau, le temps passé avec une bien aimée. Une des plus romantiques compositions de Waits, la chanson fut écrite pour sa future femme, Kathleen Brennan. Le couple s’est rencontré sur le plateau du film de Francis Ford Coppola, « One From The Heart », où elle travaillait comme superviseur de script et Waits compilait la bande sonore du film, qui fut nominé pour un Academy Award. Waits a également travaillé avec Coppola sur « Bram Stoker’s Dracula », où il a réalisé la performance définitive de Renfield.

Richard et Roch


Richard Séguin – voix, guitares électriques
Alrick Huebener – contrebasse
Roch Tassé – batterie

Jersey Girl

Photo d »Alrick par Kate Morgan

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