Il y a toujours eu une relation spéciale entre Lead Belly (Huddie Ledbetter, 1888-1949), le folkloriste John Lomax (1867-1948), et son fils Alan (1915-2002). Les Lomax ont dévoué leurs vies à la conservation et la publication d’enregistrements de musiciens folk et blues à travers les É.U. et l’Europe. Les artistes qu’ils ont découverts et aidés à promouvoir comprennent le géant du blues Robert Johnson, le chanteur de protestation et l’influence première de Bob Dylan, Woodie Guthrie, l’artiste folk Pete Seeger et le bluesman Lead Belly, entre autres.
En 1933, John Lomax a acheté une enregistreuse de disques pesant 315 livres, la fine pointe de la technologie à l’époque, et l’a installée dans le coffre-arrière de sa voiture. Lomax a enregistré Lead Belly avec cette machine quand il était à la prison de l’état de la Louisiane à Angola. Plusieurs histoires ont fait surface alléguant que Lead Belly, incarcéré séparément au Texas et en Louisiane, avait gagné une libération anticipée aux deux endroits grâce à ses talents de chansonnier. Telle est la déclaration d’un article honteux et raciste dans la revue Life (voir la photo ci-haut), daté du 19 avril 1937 et intitulé « Bad Nigger Makes Good Minstrel. » De fait, ses libérations avaient plus à faire avec les mesures de réduction des coûts suite à la Grande Dépression, et sa conduite exemplaire lorsqu’il était incarcéré. Après sa libération, Lead Belly a été engagé comme chauffeur et assistant des Lomax dans leurs enregistrements de chansons à travers le Sud.
En 1937, Alan Lomax était assistant en charge de l’archive des chansons folk de la Librairie du Congrès à Washington, D.C. Il a invité Lead Belly à Washington pour enregistrer pour la collection de la Librairie et les deux se sont mis d’accord de se rencontrer avec leurs épouses, sortir pour souper, faire de la musique et s’amuser. La première nuit que Lead Belly et son épouse ont passé à Washington, aucun hôtel ne voulait louer une chambre à des Afro-américains. Lomax a offert au couple de passer la nuit à son appartement. Le lendemain, Lead Belly s’est réveillé au son d’une dispute entre Lomax et le propriétaire à propos de la présence de Noirs dans son hôtel, avec des menaces d’intervenir auprès de la police. Lorsque Lead Belly, Lomax et leurs épouses ont voulu souper ensemble, ils ont découvert que c’était impossible de trouver un restaurant qui servirait un groupe de race mixte.
Plus tard, en discutant de ces incidents entre amis, quelqu’un a fait la remarque que Washington était une ville bourgeoise. C’était la première fois que Lead Belly entendait le mot et, une fois que le sense lui fut expliqué, tout a cliqué et il a composé « The Bourgeois Blues » en quelques heures. Dans mon opinion, c’est l’une des chansons les plus importantes et culturellement significatives du 20e siècle.
À nos oreilles « modernes », la pièce est scandaleuse pour l’utilisation du mot « nigger » mais en 1937, tout le monde parlait ainsi. Depuis la guerre civile, les législations du Sud ont systématiquement passé des lois de ségrégation raciale dirigées contre les Noirs. L’intention était de supprimer la nouvelle liberté des esclaves afro-américains émancipés, introduite par la guerre civile. En premier appelés les Black Codes, ces statuts ont par la suite été connus comme les lois Jim Crow. L’origine de la phrase « Jim Crow » vient de « Jump Jim Crow », une caricature des minstrel shows effectuée en blackface par le comédien Thomas D. Rice en 1832. Suite à sa célébrité, « Jim Crow » est devenu une expression péjorative visant les Noirs. La pratique grossière et irrespectueuse de la ménestrelle et du blackface a continuée, bien qu’en diminuant, pour tout le 20e siècle. La page de couverture d’une première édition de la chanson « Jump Jim Crow », circa 1832, est reproduite à la droite.
Richard Séguin – voix, guitare 12 cordes, guitare slide acoustique, mandoline, guitare MIDI (tuba)