Au moment que j’ai entendu John Hurt pour la première fois, il était déjà mort, décédé en 1966 à l’âge de 73 ans. Je l’ai vu vers 1968 sur des rediffusions de la CBC du show américain « Rainbow Quest » de Pete Seeger, qui mettait en vedette plusieurs des artistes roots que le renouveau folk avait mis en évidence. Le jeu de la caméra fournissait des gros plans de la main droite de Mississippi John, où toutes les mouvements compliqués et interconnectés de ses doigts sur les cordes étaient visibles, créant un arrangement complet et harmonieux. Ce fut toute une révélation pour moi et ma vie a changé par conséquence. Avant d’entendre John Hurt, j’étais un gratteux de guitare, commes des milliers d’autres. Après avoir entendu John Hurt, j’ai décidé de devenir un joueur de guitare, comme lui.
Pas une tâche facile, dans les années 1960. Maintenant, plusieures vidéos didactiques qui enseignent des arrangements de n’importe quelle pièce de guitare sont aisément disponibles sur l’internet. Dans le temps, nous avions des livres, plus particulièrement ceux publiés par la Stephan Grossman Guitar Workshop de New York. Je me méfiais d’envoyer un mandat postal de Rockland à New York mais j’ai pris le risque et, quelques semaines plus tard, j’ai reçu mon livret d’instructions par la poste. Les chansons étaient écrites en tablature, une présentation plus illustrée de la notation musicale que je ne connaissais pas du tout! Par contre, tout est entré en ordre avec le temps.
J’ai commencé avec des pièces simples comme « Pay Day. » J’ai appris à créer un motif des notes basses avec mon pouce. Graduellement, j’ai amené les quatre autres doigts de ma main droite en jeu, créant la mélodie, l’harmonie, le contrepoint et le contretemps. En peu de temps, j’ai compris ces éléments essentiels de la composition et j’ai pu les utiliser librement. Ce fut une lesson puissante d’estime de soi, surtout pour un jeune qui s’était toujours perçu comme inepte. Alors, j’ai grandi comme musicien et comme personne, grâce à John Hurt.
J’ai toujours aimé le rythme détendu de « Pay Day », ses paroles amusantes et son esprit enfantin, une caractéristique présente dans beaucoup de la musique de John Hurt. Il était comme un grand-père pour plusieurs, un ami bienveillant avec un sourire et un chapeau feutre, tellement bien-aimé par son jeune public, princilement blanc.
« Pay Day » ne faisait pas partie des enregistrements originaux de John Hurt en 1928 mais son immense popularité durant les années 1960 a menè à des enregistrements supplémentaires. Il a enregistré « Pay Day » en 1965.
Pour un récit détaillé de la vie et du talent artistique de Mississippi John Hurt, cliquer ici.
Richard Séguin – voix et guitare acoustique