Je me souviens quand la nouvelle d’un chanteur du nom de Bob Dylan est arrivée au Canada. J’avais 13 ans. Le mot partout était qu’il chantait des choses socialement importantes que les gens de ma génération apprécieraient : la paix, les droits civiques et la conviction universelle que les jeunes changeraient le monde. Puis, en 1965, quand personne ne s’y attendait, les choses ont réellement changé.
Auparavant, les chansons de Dylan étaient simplement mises devant toi – rien n’était caché, rien n’était obscur. Mais un changement a commencé à nous assombrir avec l’album « Bringing It All Back Home », en 1965, qui présentait des chansons très différentes et même troublantes. Les paroles ont commencé à être plus surréalistes et non linéaires. Quand j’ai entendu « Gates of Eden » sur cet album, je me suis demandé où nous menait cette toute nouvelle direction musicale. J’étais un jeune intélligent de 15 ans, mais je ne comprenais pas la juxtaposition de mots anglais simples qui coulaient dans un paysage étrange de nuages forestiers à quatre pattes, de lampadaires avec les bras croisés et des griffes de fer, de bébés gémissants, de navires avec des voiles tatouées, de nains en flanelle grise, tout cela exposé à l’extérieur des portes d’Eden, où aucun son ne s’ échappait, un endroit où il n’y avait pas de rois, pas de péchés, pas d’épreuves. Venu sur les traces des chansons précédentes de Dylan, quelque chose d’aussi obscur que « Gates of Eden » ne convenait tout simplement pas.Personne ne s’attendait à ce que Dylan sorte 34 chansons, à l’exclusion de 14 autres compositions et des singles comme « Positively 4th Street », sur trois albums distincts (« Bringing It All Back Home », « Highway 61 Revisited » et « Blonde On Blonde », un album double), en un peu plus d’un an. Cette production artistique inégalée a formé le cœur de l’impact extraordinaire que Dylan a eu sur la culture contemporaine et a créé un chemin menant directement à son prix Nobel de littérature, décerné en 2016.
Il faut noter que certaines de ces chansons duraient plus de 10 minutes, ce qui était controversé à l’époque. Les chansons de plus de 3 minutes ne correspondaient pas à la plateforme commerciale d’une station de radio. Pour échapper à cette contrainte, certains disc-jockeys ont créé ce qu’on connaissait comme la « radio underground », où de longues chansons plus controversées étaient jouées, souvent au petites heures du matin. À Ottawa, la contribution de Brian Murphy, qui a créé une émission de nuit les fins de semaine appelée Free Form Radio sur la station CKBY-FM d’Ottawa, doit être soulignée et appréciée.Je me suis souvent demandé où cette explosion de conscience de Dylan aurait pu le mener, n’eût été d’un accident de moto qui l’a laissé avec une vertèbre cassée et une commotion cérébrale, le 29 juillet 1966. Il ne fut jamais le même par après et beaucoup disent que l’accident l’a empêché de poursuivre son style de vie auparavant imprudent et potentiellement destructeur. Certes, les chansons ultérieures de Dylan, dont beaucoup sont superbes à part entière, n’ont jamais égalé les pièces de ces trois albums du milieu des années 60. J’ai l’intention de revenir sur cette époque exquise dans mes prochaines publications sur le site.
Mon arrangement de « Gates of Eden » met en vedette notre trio, avec Roch Tassé à la batterie et Alrick Huebener à la basse. Nous jouons « Gates of Eden » en l’honneur de trois des musiciens les plus remarquables de notre époque, soit Pat Metheny (guitare, né en 1954), Jaco Pastorius (basse, 1951-1987) et Peter Erskine (batterie, né en 1954).
Richard Séguin – voix, guitare 12-cordes acoustique
Alrick Huebener – contrebasse électrique
Roch Tassé – batterie