« Gotta Get Away » par les Rolling Stones

Richard

Richard

À mon avis, 1965 fut la meilleure année du XXe siècle. J’avais 15 ans et l’école secondaire de Rockland m’avait donné ma première blonde et des amis qui sont de grands amis à ce jour. J’avais commencé à apprendre la guitare et j’ai formé mon premier groupe rock avec trois de ces amis: Marty Cunningham, Pierre Lafleur et Roch Tassé. Nous nous sommes appelés Les Ravens, d’après Poe, et on portait le pantalon noir, les bas noirs et un chandail à col roulé noir sur scène. Nous avons joué une danse à l’école secondaire et par après, la retraite! Pour entendre les Ravens d’aujourd’hui jouer « The Last Time », un grand succès des Rolling Stones, cliquez ici.

Marty

Marty

Roch, un batteur et percussionniste formidable, a joué sur mes premiers albums dans les années 1970 et a aussi joué pour plusieurs groupes locaux. Nous vivons présentement assez loin l’un de l’autre mais nous sommes toujours de très bons amis et Roch collabore régulièrement sur ce site Web. Bien que le chemin de Pierre l’ait éloigné de la musique, Marty, Pierre et moi sommes amis pour la vie et nous nous rencontrons régulièrement pour un brunch.

Linda

Linda

Nous nous réunissons maintenant, augmenté de Linda Challes qui réside avec Roch au studio Howlin’ Huskies, Ste-Cécile-de-Masham, Qc, pour jouer une autre chanson des Rolling Stones, « Gotta Get Away », qui est sortie en 1965, tout comme « The Last Time » et sans oublier « Nowhere Man » des Beatles, « Like a Rolling Stone » de Dylan et « (I Can’t Get No) Satisfaction » de … eh oui, The Rolling Stones, qui étaient partout en 1965. C’était vraiment une année exceptionnelle.

Roch

Roch

À partir de 1964, des groupes de musique rock et pop du Royaume-Uni sont devennus populaires en Amérique du Nord et contribuairent à la montée de la « contre-culture » des deux côtés de l’océan Atlantique. Les Beatles ont mené cette supposée « invasion britannique » suivi par des groupes tels que les Rolling Stones, les Zombies, les Kinks, les Animals, les Yardbirds, le Who et Them (avec Van Morrison.) « Gotta Get Away » est sorti sur l’album du Royaume-Uni « Out Of Our Heads », sur l’album du Canada et des États-Unis « December’s Children » et comme face B du 45 tours « As Tears Go By ». À l’époque, les albums publiés au Royaume-Uni étaient différents de ceux publiés ailleurs. Les 45 tours étaient publiés parce que des chansons idividuelles populaires étaient jouées à la radio et les 45 tours étaient beaucoup moins chers que les albums, qui contenaient des chansons que la plupart des gens ne connaissaient pas. Par conséquent, « Gotta Get Away » est l’une des chansons les moins connues des Stones.

« Gotta Get Away » est typique de la représentation lyrique du mécontentement, du manque de respect et de la misogynie des Rollings Stones, qu’ils ont encouragés dès leurs débuts. Après une série de reprises blues et R&B qui ne laissaient planer aucun doute quant à leur attitude, ils ont sorti « It’s All Over Now » en 1964, suivi de chansons aussi acerbes que « Time Is On My Side », « Heart Of Stone », « The Last Time », « Play With Fire », « (I Can’t Get No) Satisfaction », « Get Off Of My Cloud », « Gotta Get Away », « Paint It Black », « Stupid Girl », « No Expectations » et « Under My Thumb », pour ne nommer qu’elles. C’était un message très puissant pour certains des jeunes les plus influençables que je connaissais et certains le prenaient vraiment au sérieux. Je me souviens d’un jeune d’Ottawa qui était grand et mince, qui portait un long manteau noir qui lui allait jusqu’aux chevilles, un jean noir, un t-shirt noir, des bottes d’armée noires et même ses longs cheveux étaient teints noir. Il aimait les Rolling Stones et sa vie était alimentée par la profonde négativité de leurs paroles. Il était la personnification même de « Paint It Black ».

En tant que membres actifs des Ravens, Roch, Marty et moi avons l’intention de présenter d’autres chansons de notre jeunesse sur ce site.

Richard Séguin – voix, guitares électriques, contrebasse électrique
Marty Cunningham – guitare acoustique, percussion (clappements de mains)
Linda Challes – percussion (clappements de mains)
Roch Tassé – batterie, percussion (clappements de mains)

Gotta Get Away

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« Burden » de Chris Stapleton

Richard

Richard

Chris Stapleton (n. 1978) est un auteur-compositeur, instrumentiste et producteur de disques américain du Kentucky dont le travail a été récompensé par cinq Grammy Awards, sept Academy of Country Music Awards et dix Country Music Awards. En tant que chanteur, sa voix ténor est également adaptée au R&B et à d’autres genres. Sa chanson « Burden » fait partie de la bande sonore du film du même nom.

Le film « Burden » traite de Mike Burden (n. 1970), un orphelin élevé par le Ku Klux Klan dans la petite ville de Laurens, en Caroline du Sud. Comme tous les autres pris dans cette culture raciste, il a grandi violent et haineux de tous sauf les siens. Ce n’est que grâce à la compassion d’un ministre noir nommé le révérend David Kennedy que la vie de Burden a changé radicalement. Quand ils se sont rencontrés pour la première fois à Laurens, Burden était le grand dragon du KKK local et Kennedy était un pasteur afro-américain qui avait grandi dans des logements ségrégués. À l’époque, Kennedy tentait de lutter contre l’existence du magasin Redneck Shop de la petite ville, un magasin qui était l’idée de Burden et qui vendait des souvenirs racistes tout en accueillant un musée non officiel du KKK.

Après avoir rencontré sa première épouse, Judy Harbeson, Burden a commencé à remettre en question son implication dans le KKK. Le Klan a riposté contre Burden pour s’être rebellé contre eux. Burden et Harbeson ont été chassés de l’appartement qu’ils avaient loué d’un membre du Klan et, sans nulle part où aller, Burden, Harbeson et ses deux enfants se sont retrouvés au poste de police de Laurens, suppliant pour de l’aide. Incroyablement, Kennedy a offert de les héberger, disant qu’il voyait un père et un mari essayant de protéger sa famille contre le Klan.

Le film de 2018 « Burden » a été écrit et réalisé par Andrew Heckler et raconte les événements de la vie de Mike Burden. Destiné à être un effort à petit budget, le film a reçu un énorme coup de pouce lorsque Tom Wilkinson et Forrest Whittaker, deux acteurs de classe mondiale, ont décidé de participer au projet.

Richard Séguin – voix, guitare acoustique, mandoline

Burden

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« Blue Mountains » de Sam Amidon

Sam Amidon (né en 1981) est un chanteur, compositeur et multi-instrumentiste américain du Vermont, né de parents musiciens folkloriques. Son nom de famille est d’origine française. Amidon fait de nombreuses tournées dans le monde entier depuis New York comme base.

Sa chanson « Blue Mountains » a été incluse dans l’album « Lilly-O », qu’Amidon a enregistré en 2014 à Reykjavik avec l’ingénieur du son islandais Valgeir Sigurðsson. L’album présente également, parmi d’autres musiciens talentueux, le maître guitariste Bill Frisell.

Les montagnes Blue Ridge[/caption]Les Blue Mountains sont généralement appelées les Blue Ridge Mountains, une grande chaîne de montagnes des Appalaches. La région d’Alleghenies est la partie accidentée ouest-centrale des Appalaches.

Une grande part de la musique d’Amidon consiste à retravailler des chansons folkloriques traditionnelles, faisant ressortir leurs qualités chimériques et puissantes. Ses parents ont joué et enregistré dans les premières formes et traditions de la Harpe Sacrée, communes à la musique chorale sacrée et à la musique religieuse américaine rurale en général. Leur influence sur la musique de leur fils est significative.

Dans les Appalaches, un type particulier de ballade qui souligne les tragédies est venu au premier plan durant le 19e siècle. Les accidents ferroviaires, les désastres miniers et les meurtres sont devenus le sujet de nombreuses chansons populaires – des dizaines ont été écrites sur le naufrage du Titanic à lui seul. Le meurtre étant une activité purement humaine, ces chansons sont devenues très populaires et étaient connues sous le nom de « ballades de meurtre  ». Les ballades de meutre ont vu le jour à l’époque pré-moderne en Scandinavie, en Angleterre et dans les basses terres d’Écosse. Ces ballades sont arrivées aux États-Unis avec des colons européens, dont plusieurs ont habité les Appalaches, une région culturelle de l’est des États-Unis qui s’étend de l’État de New York à l’Alabama et à la Géorgie.

On pourrait dire que la chanson « Blue Mountains » est une ballade de meurtre, bien que le meurtre ne soit jamais mentionné ouvertement dans la chanson. Au mieux, il s’agit de liaisons illicites – un homme marié attire une jeune fille dans la forêt sauvage, « au-delà de sombres fenêtres de cabane où les yeux ne voient jamais ». Le mal est palpable.

Le traitement de la mort dans les premières chansons des Appalaches est quelque chose que la plupart d’entre nous n’avons jamais connu. Au 19ème siècle, pas moins de 46% de tous les bébés mouraient avant leur 5ème anniversaire. Les taux de mortalité infantile sont plus élevés dans les Appalaches rurales que dans d’autres parties des États-Unis. Le faible revenu, l’isolement géographique et les faibles niveaux d’éducation de la région réduisent tous l’accès aux soins médicaux modernes. Les croyances populaires et les superstitions, un très mauvais substitut aux soins médicaux, continuent d’influencer les pratiques de naissance : une colombe du matin à l’extérieur de la fenêtre est considérée comme un mauvais présage, tout comme l’est un membre du ménage balayant les marches après le coucher du soleil.

Les premiers enregistrements de la musique des Appalaches sont uniques et les bords tranchants de la douleur personnelle et privée émergent des sillons mêmes de ces enregistrements. Les voix ont leurs propres notions de la tragédie. Combien de fois ces gens ont-ils vu, dans leur propre vallée, des personnes innocentes et vertueuses effacées sans raison par des accidents de voiture, des noyades, la tuberculose, un enfant qui tombe dans un puits. La sœur d’A.P. Carter, Etta, était une écolière de 13 ans qui cueillait des fraises un après-midi, fiévreuse au lit la nuit et morte le matin. Il n’y avait pas de raison et, pire que tout, il n’y avait pas de temps pour pleurer. Il y avait d’autres enfants à élever, on devait planter, désherber, cuisiner, coudre, nourrir les porcs, traire les vaches, couper le bois de chauffage. L’auteur le plus célèbre des Appalaches, Thomas Wolfe (1900-1938), d’Asheville, en Caroline du Nord, a décrit la mort de son frère de 12 ans dans son roman « Look Homeward Angel » comme suit : « C’était un garçon tranquille, et il y en avait beaucoup, et il était passé inaperçu. »

Richard Séguin – voix, guitare acoustique, guitare électrique

Blue Mountains

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« Sail Away Ladies » de « Uncle Bunt » Stevens

La vieille pièce traditionnelle de violon intitulée « Sail Away Ladies » a été incluse dans la compilation novatrice de six albums lancée en 1952 par Harry Smith sous le nom de Anthology of American Folk Music, une collection qui a jouée un rôle déterminant dans l’essor du renouveau folk des années 1950 et 1960. Bien que « Sail Away Ladies » a été enregistré pour la première fois en 1926 par John L. « Uncle Bunt » Stevens (1879-1951), la pièce a ses origines dans les îles britanniques du XVIIIe siècle. Le jeu magnifique de l’oncle Bunt, avec ses échos des violons cajuns de la Louisiane, évoque le son des activités folkloriques d’une époque lointaine, des tâches comme le décortiquage du maïs, les levées de granges, les parties de courtepointe et les divertissements comme les danses carrées. C’est, pour moi, l’un des meilleurs enregistrements de la première moitié du XXe siècle.

John Stephens a été agriculteur pendant la majeure partie de sa vie. Il est rapidement devenu célèbre en 1926 lorsqu’il a participé à des compétitions régionales de violon traditionnel et a ensuite remporté le titre de champion du monde du violon traditionnel, devançant 1 876 autres violoneux dans la série de concours du magnat de l’automobile Henry Ford. Les compétitions ont eu lieu chez les concessionnaires Ford à travers l’Est et le Midwest et les gagnants des concours locaux ont été amenés à Detroit pour jouer dans la ronde de championnat. Le prix de Stephens aurait été de 1 000 $, un nouveau complet, une voiture et un nouveau dentier. Après avoir enregistré quatre 78 tours pour Columbia Records et effectué une courte tournée avec quelques apparitions sur la scène du Grand Ole Opry, l’oncle Bunt a pris sa retraite de la vie publique et est retourné à sa ferme dans le comté de Bedford, au Tennessee.

Les paroles de la chanson proviennent d’un enregistrement de l’oncle Dave Macon en 1927. Les paroles de l’oncle Dave sont essentiellement absurdes mais amusantes. J’ai choisi d’incorporer dans ma version de la pièce les paroles des versions afro-américaines de “Sail Away Ladies. » Pour en savoir plus sur l’oncle Dave Macon et sa musique, cliquez ici.

Bien que « Sail Away Ladies » ait été enregistré des centaines de fois par des centaines d’artistes, presque toutes les versions disponibles sont identiques. L’exception notable est un enregistrement de 1957 d’Odetta (Holmes,1930-2008), une merveilleuse interprétation folk/blues relaxe. J’ai basé ma version de la chanson exclusivement sur les enregistrements de l’oncle Bunt et d’Odetta. J’ai également choisi d’utiliser ma nouvelle mandoline exclusivement sur cette pièce. Après tout, les mandolines et les violons sont accordés de la même façon.

La fanfare de Rockland

La fanfare de Rockland

Quand j’avais 11 ans, ma mère n’aimait pas mon comportement maussade suite à la mort de mon frère Gabriel et m’a inscrit dans la fanfare de Rockland. J’ai joué du baryton pendant deux ans et je me souviens qu’un copain plus judicieux assis à côté de moi me disait toujours de ne pas jouer si fort ! Je n’aimais pas la formalité rigide d’apprendre à lire la musique et à jouer des compositions d’une manière prédéterminée. Je voulais jouer comme mon frère avait joué et son jeu, influencé par son héros Jerry Lee Lewis, était abandonné et très loin du rigide. Pour moi, c’est ainsi que la musique devait être jouée et quand mon frère Robert m’a guidé vers la guitare en 1963, j’ai appris à jouer comme mon frère Gabriel. Je n’ai jamais voulu jouer quelque chose qui serait identique à ce que les autres musiciens jouaient. Mon style de jeu est autodidacte et certainement pas aussi habile que d’autres joueurs mais c’est le mien et c’est la manifestation vivante du don que mon frère Gabriel m’a laissé.

Après de nombreuses auditions des enregistrements de l’oncle Bunt et d’Odetta, absorbant l’essence de « Sail Away Ladies », j’ai procédé à des enregistrements d’essai de la chanson comme elle m’est venue. J’ai été très surpris quand mon enregistrement gravitait vers un beat de Bo Diddley ! Mélanger du Bo Diddley (Ellas McDaniel, 1928-2008) avec des airs de violon peut être sacrilège mais j’ai toujours aimé Bo donc j’aimais les résultats. De plus, le 31 décembre dernier, j’ai découvert que la veille du Nouvel An était aussi l’anniversaire de Bo Diddley… et d’Odetta ! J’ai cru que c’était un signe ou une sorte de consentement cosmique, donc je suis allé de l’avant avec ma version. Pour plus d’informations sur Bo Diddley et sa musique, cliquez ici.

Le musicien le plus naturel et le moins sophistiqué que j’ai connu était Alcide Dupuis (1928-2008), un violoneux de Rockland. Oui, j’ai aussi remarqué que les années de naissance et de mort d’Alcide sont identiques à celles de Bo Diddley, comme si j’avais besoin d’un nouveau consentement ! Alcide était un petit lutin d’homme qui a appris à jouer d’un oncle mais il savait seulement où placer ses doigts sur le manche du violon et comment déplacer l’archet pour obtenir les sons qu’il voulait. Alcide ne connaissait ni accords, ni clés, ni notes, ni titres de chansons. Son répertoire comprenait de nombreuses gigues, quadrilles et cotillons qui changeaient de clé en cours de route, le rendant impossible à suivre pour tout autre guitariste local qu’il connaissait. Quand j’ai commencé à jouer avec Alcide, j’avais une bonne oreille et une bonne connaissance de la structure musicale donc j’ai pu le suivre quand il changeait de clé. La première fois que cela s’est produit, Alcide a été étonné – pour la première fois, il entendait ses chansons comme elles étaient censées être jouées. Il était tellement heureux d’avoir trouvé quelqu’un avec qui jouer. Nous avons formé une bonne amitié et nous avons commencé à jouer ensemble, principalement pour des bières dans la taverne de l’hôtel King George à Rockland.

Moi et Alcide en plein vol, 1978

Moi et Alcide en plein vol, 1978


Quand ma carrière d’enregistrement a décollé, on m’a demandé de jouer pour un festival d’automne qui a eu lieu simultanément à la ferme Denis et à l’école secondaire de Plantagenet. J’ai invité Alcide à me rejoindre et je lui ai aussi donné la moitié de la généreuse allocation que j’ai reçue pour le spectacle. Pour Alcide, c’était le grand moment ! Il n’avait jamais été payé pour jouer de la musique de sa vie. Il s’est pointé dans une fabuleuse chemise en soie noire avec un motif de fleurs colorées, un pantalon avec un pli qui aurait coupé l’acier, des chaussures polies et des cheveux tranchés en arrière ! Comme vous pouvez le voir sur la photo, nous avons eu une vraiment bonne soirée. Je n’ai jamais vu deux hommes plus heureux. La guitare que je joue a été faite pour moi en 1976 par Marc Beneteau, un luthier, un bon ami et un guitariste qui a joué avec moi pendant plusieurs années, en concert et sur mes enregistrements.

Voir Alcide se lancer dans une pièce était comme rien d’autre au monde. Ses pièces étaient stockées dans sa mémoire, mais il ne pouvait pas les identifier par titre, clé ou toute autre méthode, alors il grattait son violon jusqu’à ce que les notes le conduisent vers la chanson. Il trouvait son chemin, reliant progressivement les points jusqu’à ce que la mélodie qu’il voulait émerge. Puis, Alcide décollait comme un Boeing 747, conduisant la chanson avec une joie totale, ses pieds tappant des rythmes compliqués en accord avec la musique (il était un « stepper »formidable). Alcide Dupuis était une véritable force de la nature. Il se transformait quand il jouait, son visage se tordant dans un sourire de joie pure. C’était les moments le plus précieux que j’ai jamais eu à jouer de la musique et j’aimerais dédier ma version de « Sail Away Ladies » à la mémoire d’Alcide.

Richard Séguin – voix, mandoline, percussion

Sail Away Ladies

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« My Father’s House » de Bruce Springsteen

L’album de 1982 de Bruce Springsteen intitulé « Nebraska » a commencé par une mesure de contrôle des coûts afin de réduire le temps de studio nécessaire à son E Street Band pour créer de nouvelles chansons. Initialement, Springsteen a enregistré des démos pour l’album chez lui avec un magnétophone 4 pistes. En écoutant les résultats, le consensus était que les chansons étaient très personnelles et que l’essence folk simple et intense présente sur les cassettes élémentaires ne pouvait pas être reproduite ou égalée dans le studio avec la sorte de rock & roll fougueux et expansif que l’E Street Band produisait. Springsteen a alors décidé que ces histoires étaient mieux racontées par un homme, une guitare. C’était une décision audacieuse de sortir les enregistrements initiaux tels quels.

La chanson-titre « Nebraska » fait référence à Charles Starkweather, qui a tué de façon insensée onze personnes au Nebraska et au Wyoming entre décembre 1957 et janvier 1958, alors qu’il avait 19 ans. Pendant sa frénésie, Starkweather était accompagné de sa petite amie de 14 ans, Caril Ann Fugate. La chanson donne certainement le ton pour le reste de l’album : plusieurs des chansons sont dures, violentes et pleines de désespoir. D’autres, comme « My Father’s House », sont profondément personnelles et s’inspirent du passé de Springsteen, en particulier de sa relation compliquée avec son père.

En 2009, plusieurs artistes se sont produits au Centre Kennedy à Washington D.C. pour honorer la vie et la musique de Bruce Springsteen. Au cours des cérémonies, Jon Stewart a fameusement déclaré : « Je crois que Bob Dylan et James Brown ont eu un bébé. Et ils ont abandonné cet enfant sur le bord de la route, entre les échangeurs de sortie de 8A et 9 sur l’autoroute du New Jersey. Cet enfant est Bruce Springsteen. »  Ben Harper a également interprété une version abrégée de « My Father’s House » qui a laissé l’auditoire soit stupéfait ou en larmes. J’ai emprunté ici quelques parties de la brillante interprétation de Harper.

La maison de mon père

La maison de mon père

« My Father’s House » a une signification particulière pour moi et notre famille. Ma sœur Diane est née à la fin de 1951 et mon père savait déjà que sa maison louée à côté d’Annie Powers, le célèbre médecin de notre ville, ne pourrait plus accueillir neuf personnes. Nous serions maintenant six enfants et mon grand-père Villeneuve était également de la famille. Mon père a commencé à construire une maison de sa conception, avec l’aide d’amis, de relations et de voisins, comme cela se faisait dans notre communauté francophone à l’époque. Nous avons emménagé dans notre nouvelle maison en 1952.

Mon enfance, lorsque j’ai grandi dans la maison de mon père, dans notre petite collectivité, était aussi parfaite que n’importe quelle enfance. Nous étions à l’aise. Mes parents avaient leur chambre au rez-de-chaussée et tout les autres dormaient en haut. Mes deux sœurs avaient leur propre chambre, tout comme mon grand-père, et les quatre garçons partageaient une grande chambre avec deux lits doubles – les garçons aînés, Jean-Guy et Gabriel dans un lit, mon frère Robert et moi dans l’autre. Je me sentais toujours en sécurité.

Mon grand-père était un homme d’un autre monde, un contemporain de Wyatt Earp, Jesse James et Mark Twain. Il était aussi fort qu’un boeuf et aussi imposant que les grands pins dans notre cour. Il était gentil et nous construisait des jouets en bois dans l’atelier de mon père au sous-sol. Sa présence impressionante et silencieuse reste toujours avec moi et j’ai écrit une pièce instrumentale en son honneur, que vous pouvez entendre en cliquant ici.

Jean-René Séguin

Jean-René Séguin

Mon père, Jean-René Séguin (1908-1975), était un homme de la Renaissance. Né à Rockland, il a commencé à travailler à l’âge de douze ans, essayant de venir en aide aux besoins de sa famille. C’était le sort de beaucoup de garçons à cette époque. Mon père se levait tôt, déjeunait et marchait jusqu’à la rivière des Outaouais où il avait une chaloupe amarrée sur la rive. Il traversait la rivière, ancrait son bateau et travaillait toute la journée dans l’industrie forestière à Thurso, abattant des arbres et faisant tout autre travail nécessaire. À la fin de la journée, il regagnait le bord ontarien de la rivière et rentrait chez lui pour un souper tardif. On lui payait un dollar par jour.

Même s’il n’avait qu’une éducation de sixième année, mon père comprenait mystérieusement les mathématiques, la trigonométrie et l’algèbre. Il produisait régulièrement des plans pour de nombreux constructeurs locaux et ses plans répondaient toujours à toutes les normes provinciales, à une fraction du coût qu’aurait chargé un architecte professionnel. Il était le seul en ville qui pouvait construire un escalier, une opération très compliquée, la formule impliquant la relation entre les angles inclinés, les angles horizontaux et la hauteur. Son atelier comprenait un tour et il y produisait des choses étonnantes, allant des pieds de table élégants et courbés aux bols à salade en bois bicolore. Il ne s’arrêtait à rien pour prendre soin de sa famille, allant jusqu’au piégeage pour les fourrures. Notre sous-sol avait souvent des fourrures qui séchaient sur des formes en bois et il y avait même au sous-sol une peau d’ours entière que mon frère Robert enfilait pour m’effrayer. Il s’est même intéressé à la taxidermie pour divers clients. Pour sa détente, il construisait des locomotives à l’échelle, installées sur une planche de contre-plasqué, avec des châteaux d’eau, des tunnels, des ponts et des dépôts, le tout fait à l’échelle.

Tous les membres de notre famille ont été chanceux d’avoir un père comme le nôtre. Je joue « My Father’s House » à sa mémoire.

Richard Séguin – voix, guitares acoustiques, mandoline

My Father’s House

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« Single Girl, Married Girl » de la famille Carter

Pénible est le sort de toute femme
Elles sont toujours contrôlées, toujours confinées
Contrôlées par leurs parents avant de devenir épouses
Puis esclaves de leur mari pour le reste de leur vie

« The Wagoner’s Lad », chanson traditionnelle recueillie et publiée en 1916.

Originalement appelée « musique de montagne » ou « musique hillbilly », la musique rurale des années 1920 était très loin de l’industrie internationale de plusieurs milliards de dollars que nous appelons maintenant « musique country. » Dans son sens original, la musique country, c’est-à-dire la musique faite par des gens des régions rurales, était ce que les cajuns appellent « la vraie chose, chère. » C’était la musique de la vie, avec tous ses défauts, une partie venant des îles britanniques à travers des océans de temps, une autre venant de les États-Unis, des usines de coton, de la mine ou de la taverne.

Les enregistrements commerciaux de musique country ont commencé en 1922 avec des artistes comme l’oncle Dave Macon et Vernon Dalhart qui se sont rendus à New York pour enregistrer dans les studios des grandes maisons de disques. Pour plus d’informations sur l’oncle Dave Macon et sa musique, cliquez ici.

Avec l’avènement des enregistrements électriques en 1925, l’équipement est devenu beaucoup plus sophistiqué et beaucoup plus portable. En 1927, le producteur Ralph Peer (1892-1960) de la Victor Talking Machine Company fit un voyage de deux mois au sud des Appalaches, dans les villes de Savannah, en Georgie, Charlotte, en Caroline du Nord et Bristol, au Tennessee pour enregistrer différents styles de musique country joués par des artistes qui n’auraient pas pu se rendre à New York. À l’époque, le contact personnel entre les musiciens était le lien principal qui avait permis aux vieilles chansons d’être maintenues vivantes. La musique était jouée et chantée des grands-parents aux parents et des parents aux enfants.

Peer a reconnu le potentiel de la musique de montagne, car même les habitants des Appalaches qui n’avaient pas d’électricité possédaient souvent des Victrolas à manivelle ou d’autres phonographes. Conjuguée à l’avènement de stations de radio plus puissantes qui ont fait entrer la musique country dans les foyers des Appalaches, la technologie d’enregistrement orthophonique a permis aux gens d’écouter de la musique quand ils le voulaient.

Peer a installé son équipement d’enregistrement et, grâce à des annonces à la radio et dans les journaux, a invité des musiciens à venir à Bristol et à se faire payer pour enregistrer leur musique. Les enregistrements qui ont suivi, souvent décrits comme le « big bang » de la musique country, ont mené à la découverte de deux des plus grands talents de cette époque, Jimmie Rodgers et la famille Carter. Pour plus d’informations sur Jimmie Rodgers et sa musique, cliquez ici.

La famille Carter est originaire de la Virginie et se compose de A.P. (Alvin Pleasant) Carter (1891-1960), de son épouse Sara Carter (1898-1979) et de la cousine et belle-sœur de Sara, Maybelle Carter (1909-1978), qui a marié le frère d’ A.P., Ezra « Eck » Carter (1898-1975). Tout au long de sa carrière, Sara Carter a chanté la voix principale et joué de la guitare ou de l’autoharpe, tandis que Maybelle chantait l’harmonie et jouait de la guitare solo. Sur certaines chansons, A.P. ne se produisait pas du tout; sur d’autres, il chantait de l’harmonie et des chants d’arrière-plan et, à l’occasion, il chantait la voix principale.

Le style de guitare distinctif de Maybelle est devenu une caractéristique du groupe, et son « Carter Scratch », comme on l’appelait, est devenu l’un des styles de jeu de la guitare les plus largement copiés. C’était une façon de jouer une mélodie et du rythme en même temps, faisant de la guitare un instrument principal, et inspirant d’innombrables musiciens après elle. Par exemple, quand j’avais 13 ans et j’apprenais à jouer de la guitare, la première chanson que j’ai apprise à jouer fut « Wildwood Flower » de la famille Carter, qui mettait en vedette l’art de Maybelle. Chaque ado qui apprenait la guitare à cette époque a appris « Wildwood Flower », l’une des pièces les plus didactiques jamais écrites. Un guitariste afro-américain du nom de Lesley Riddle a appris à Maybelle comment jouer simultanément la mélodie et le rythme. Riddle a aussi accompagné A.P. Carter dans plusieurs de ses voyages de repérage qu’il a faits afin de recueillir des chansons à jouer et à enregistrer après les enregistrements de Bristol.

« Single Girl, Married Girl » est le deuxième disque 78 tours que la famille Carter a enregistré pour Victor Records, le 2 août 1927. Cette version a plus tard été incluse dans la Anthology of American Folk Music de Harry Smith, la « bible » de la renaissance folklorique des années 1960. Notamment, la chanson ne met pas en vedette A.P. Carter, mais est plutôt un solo de Sara Carter sur l’autoharpe accompagnée de sa cousine Maybelle sur une simple guitare Stella.

Les paroles de « Single Girl, Married Girl » décrivent non seulement la détérioration du mariage de Sara et d’A.P., qui s’est terminé par un divorce en 1936, mais offre aussi une comparaison frappante du sort des femmes mariées et des filles célibataires dans les années 1920. À cette époque, les femmes mariées consacraient toute leur vie à s’occuper de la famille. Les filles célibataires, souvent appelées « Flappers », fumaient, buvaient, portaient leurs jupes courtes et leurs cheveux encore plus courts. Les femmes mariées devaient avoir des enfants, faire la lessive, préparer les repas et nourrir les enfants, nettoyer la maison et, dans le cas particulier de Sara, couper du bois de chauffage et labourer les champs. A. P. était parti de chez lui dans la Poor Valley (bien nommée) pour de longues périodes, essayant de vendre des boutures d’arbres fruitiers et voyageant dans de nombreuses communautés isolées des Appalaches centrales avec son ami Lesley Riddle, recueillant des chansons de divers chanteurs et musiciens qui finirent par se retrouver dans le répertoire de la famille Carter.

Même après avoir obtenu le droit de vote en 1920 (seuls les hommes blancs pouvaient voter aux États-Unis avant 1920), les femmes n’étaient pas sur un pied d’égalité avec les hommes dans pratiquement tous les domaines de la vie. On s’attendait à ce que les femmes mariées se consacrent à la gestion du ménage, à l’éducation des enfants et à l’acceptation du jugement de leur mari. Au début de la décennie, la plupart des femmes des Appalaches vivaient dans des zones rurales sans électricité. Ils devaient garder la nourriture fraîche sans réfrigérateur, repasser avec un fer à repasser qui devait être constamment réchauffé, cuire sur un poêle à bois, aller à un puits extérieur pour l’eau, et toujours visiter une bécosse au lieu d’une salle de bains. L’électrification rurale n’a atteint de nombreuses maisons rurales des Appalaches que dans les années 1940. La plupart des Américains croyaient que les femmes ne devraient pas travailler à l’extérieur de la maison si leurs maris occupaient un emploi. Si les femmes travaillaient, les employeurs avaient le droit de les congédier après leur mariage ou si elles avaient des enfants, une pratique qui dure encore aujourd’hui chez les femmes non syndiquées. Les femmes célibataires, divorcées ou veuves, faisaient également face à de nombreux défis. Une femme non mariée ne pouvait pas présenter une demande de crédit sans avoir un cosignataire masculin.

Bien que le divorce ait été plus accessible dans les années 1920 qu’il ne l’avait été dans les décennies précédentes, il portait encore une lourde stigmatisation. Il y avait peu de ressources juridiques ou d’options pour les femmes qui étaient coincées dans des relations violentes. Toute la famille d’un de mes amis d’enfance a beaucoup souffert aux mains d’un père violent. Sa mère a supplié l’Église catholique de lui accorder le divorce, mais elle fut ignorée. Le divorce n’était permis que dans les situations où il y avait adultère, bien que des exceptions étaient faites dans les cas de bigamie ou d’impuissance. Dans les cas de divorce, les femmes devaient prouver qu’elles étaient saines d’esprit si elles voulaient obtenir la garde de leurs enfants. Les femmes divorcées étaient universellement considérées comme des échecs, trop faibles et inaptes pour être mères.

Sara Carter a épousé Coy Bayes, le cousin germain de A. P., et a déménagé en Californie en 1943. Le groupe Carter original s’est dissous à la fin des années 1940. Maybelle a commencé à jouer avec ses filles Helen, June et Amita sous le nom de The Carter Sisters and Mother Maybelle (le groupe s’est rebaptisé The Carter Family dans les années 1960).

En 1949, le guitariste Chet Atkins (1924-2001) a quitté son emploi à Knoxville, au Tennessee, pour rejoindre les Carter. Leur musique a rapidement attiré l’attention du Grand Ole Opry, bien qu’Atkins ait été initialement interdit de tous ses spectacles. Les interprètes de l’Opry pensaient, et à juste titre, qu’Alkins était un trop bon guitariste et qu’il ferait paraître tout les autres inférieurs. Ils finirent par céder et Atkins devint membre de l’Opry dans les années 1950. Atkins a commencé à travailler sur des sessions d’enregistrement et on lui attribue largement la création du « Nashville Sound » qui, malgré sa popularité, a fait sombrer la musique country au niveau de la chanson populaire à partir des années 1960.

En parlant de l’auteur-compositeur du Piedmont Dorsey Dixon (1897-1968), l’historien Patrick Huber a dit qu’il « possédait un don rare pour exprimer … des messages sociaux compliqués dans un langage franc, d’autant plus poignant par sa simplicité. » On pourrait dire la même chose de Sara Carter. Dans le contexte de la culture américaine du début du XXe siècle, « Single Girl, Married Girl » n’est pas seulement l’une des chansons les plus courageuses jamais enregistrées et un hommage éclatant à la grande ingéniosité de Sara Carter, mais c’est aussi un schéma des plus profonds pour le changement social issu de la musique « roots » américaine. « Single Girl, Married Girl » présente une certaine ressemblance avec « Single Life » de Roba Stanley (1908-1986), enregistrée en 1925 alors qu’elle n’avait que 14 ans. Les deux chansons, enracinés dans la culture populaire des Appalaches, dénoncent sévèrement le mariage et la maternité pour avoir étouffé la mobilité personnelle et sociale des femmes. Le succès commercial immédiat de « Single Girl, Married Girl » a aussi fait ressortir l’attrait de la musique traditionnelle pour un public plus large que celui des Appalaches. Après la sortie des premiers enregistrements de la famille Carter, Sara a été surprise de constater que « Single Girl, Married Girl » était la chanson la plus vendue quand son premier paiement de redevances est arrivé.

Richard Séguin – voix, guitare acoustique, mandoline, banjo

Single Girl, Married Girl

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« France Chance » de Joe Callicott

Il est difficile d’accepter qu’un grand bluesman comme Joe Callicott ait vécu toute sa vie dans une obscurité presque totale. Sa date de naissance est inconnue, tout comme son âge quand il est mort en 1969. Il est né et a vécu toute sa vie dans la petite ville de Nesbit, Mississippi. Probablement illettré, il n’a donné aucune interview connue de sa vie, n’a écrit aucune lettre ou carte postale. Il a épousé une femme et est resté avec elle pendant 52 ans, jusqu’à sa mort. Il a travaillé dans le même milieu de travail pendant 38 ans.

Dans les années 1920, Joe Callicott a rencontré Garfield Akers (circa 1902-1959), dont on sait encore moins, et ils sont devenus des amis et des partenaires à vie, jouant tour à tour de rôle de première et deuxième guitare pendant qu’ils chantaient à des fêtes, des soupers de poisson et divers événements sociaux. En 1929, Callicott a apparu pour la première fois sur quatre disques 78 tours, jouant de la deuxième guitare pour Akers. Les deux hommes furent ammenés à Memphis par Jim Jackson (1876-1933), déjà une star de l’enregistrement, un résident de Hernando et voisin de Callicott. En 1930, Callicott a aussi enregistré deux titres avec Jim Jackson.

Garfield Akers a également fait une tournée avec Frank Stokes et le Doc Watts Medicine Show et fut actif sur le circuit sud de Memphis tout au long des années 1930. Aucune photo d’Akers n’existe. Il vivait à Hernando, Mississippi, la communauté qui nous a aussi donné plusieurs grands bluesmen comme Jim Jackson, George « Mojo » Buford, Frank Stokes et Robert Wilkins. Pour en savoir plus sur Frank Stokes et sa musique, cliquez ici. Pour en savoir plus sur Robert Wilkins et sa musique, cliquez ici.

Pendant 38 ans, Joe Calicott a travaillé pour PEMCO Aviation, une entreprise spécialisée dans les services de transport de passagers et de marchandises. Il n’était pas instruit et son travail consistait probablement à s’occuper des marchandises, peut-être à titre de gardien ou de concierge. Son salaire était certainement faible puisque Joe et sa femme Sue Parrish Callicott (aucune donnée disponible) vivaient dans une pauvreté abjecte dans une cabane qu’un chien aurait pensé deux fois avant d’entrer. Ils ont eu un fils, Jeff.

Callicott abandonna presque complètement la guitare en 1959, l’année de la mort de Garfield Akers, mais l’a reprit au milieu des années 1960 pour son propre plaisir. En 1967, le documentariste de blues George Mitchell a rencontré Callicott et a enregistré onze titres avec ce musicien alors ralenti, mais toujours magnifique. Ces pièces feront plus tard surface dans l’album de 2003 « Ain’t A Gonna Lie To You ». Juste avant sa mort, en 1969, Callicott a été le mentor de Kenny Brown (né en 1953), un garçon blanc de 12 ans qui a quitté l’école pour apprendre la guitare de ce modeste maître qui vivait juste en bas de la rue. Kenny Brown a par la suite connu une bonne carrière en tant que guitariste et artiste.

Joe Callicott est enterré dans le cimetière de l’église baptiste Mount Olive à Nesbit, Mississippi. Le 29 avril 1995, une pierre tombale commémorative a été placée sur sa tombe par le Mt. Zion Memorial Fund, une organisation qui commémore les contributions de nombreux musiciens du delta du Mississippi enterrés dans des cimetières ruraux sans marqueurs funéraires. Ce dernier hommage à Joe Callicott a été soutenu par Kenny Brown et financé par Chris Strachwitz d’Arhoolie Records et par John Fogerty, du groupe rock Creedence Clearwater Revival. Le marqueur original de Callicott, une pierre de pavé simple où se lisait simplement « JOE », a par la suite été donné par sa famille au Delta Blues Museum à Clarksdale, Mississippi. Lors de la cérémonie, le Mt. Zion Memorial Fund a remis à Sue, la femme de Callicott, un chèque d’Arhoolie Records pour les redevances obtenues d’un CD réédité des œuvres enregistrées de Callicott.

J’ai choisi de jouer « France Chance », un blues intransigeant de Callicott et étrange à bien des égards. Le titre provient d’un schéma de rimes utilisé dans les paroles. La structure est également étrange puisque Callicott commence à chanter sur l’accord IV, tandis que le chant pour presque toutes les chansons de blues jamais écrites commence sur l’accord I. Certaines des paroles peuvent être cryptiques. « Fair brown » est un terme affectueux, c.-à-d. une belle femme à la peau brune. « Brand new stream » désigne une remorque Airstream, une merveille haut de gamme en acier inoxydable qui ressemble à une balle! Les meilleures paroles de blues sont celles qui sont aussi simples que profondes, parfaitement évoquées avec brio par Callicott dans :

I kmow my doggie when I hear him bark
I know my baby when I feel in the dark

Il n’y a pas mieux que ça.

Richard Séguin – voix, guitare acoustique, percussion

France Chance

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« The Heart of Saturday Night » de Tom Waits

Pour tous les compas du monde, il n’y a qu’une seule direction, et le temps est sa seule mesure. 

Tom Stoppard, Rosencrantz and Guildenstern Are Dead

En 1974, au début de sa longue et fructueuse carrière, Tom Waits a publié une chanson sentimentale et nostalgique intitulée « The Heart of Saturday Night. » Elle renfermait dans une capsule temporelle le début des années 1970 et immortalisait cette époque où je suis devenu un jeune homme, vivant dans un petit village rural francophone de l’est de l’Ontario.

À l’époque, mon temps était mesuré en semaines. Pas en heures, en jours, en mois ou en années, juste une succession apparemment infinie de semaines. Je travaillais cinq jours par semaine, plus de 70% de mon temps sur cette terre, essayant d’acquérir le cours légal qui me permettrait de fonctionner dans notre société capitaliste. Je dépensais beaucoup de temps à me rendre à Ottawa et à en revenir, à lutter contre la circulation, à me dépêcher à travers de mes repas et à essayer de dormir suffisamment pour me rendre à la fin de semaine, où le temps m’appartiendrait finalement.

L'Église Très-Sainte-Trinité de Rockland

L’Église Très-Sainte-Trinité de Rockland

Les dimanches à l’époque étaient différents de ce qu’ils sont maintenant. La plupart des entreprises étaient fermées et tout était silencieux et étouffé dans le village. Les familles passaient du temps ensemble, à l’église ou autour d’une table et d’un bon repas familial. La « révolution tranqille » n’avait pas complètement effacé nos valeurs religieuses et les gens n’étaient pas encore devenus les consommateurs ternes qu’ils sont maintenant. Tu lisais un livre, tu te promenais, tu appelais un ami, et tu te préparais pour la semaine difficile qui se montrait toujours à l’horizon.

Mais il y avait toujours le samedi, un jour qui se distinguait de tous les autres jours de la semaine. Si tu avais une blonde, vous sortiez. Si tu en n’avais pas, tu allais aux endroits où les filles se réunissaient, invariablement une sorte de salle de danse. Pour moi, c’était le deuxième étage de l’aréna de Clarence Creek, où un disc-jockey jouait la merveilleuse musique R&B qui sortait de Stax Records à Memphis, avec des artistes comme Otis Redding, Booker T. and The MG’s, Wilson Pickett, Albert King, les Staple Singers, Rufus Thomas et sa fille exceptionnelle, Carla Thomas.

La Légion

La Légion

À Rockland, des groupes d’Ottawa venaient parfois jouer à la salle principale de la Légion. Les jeunes locaux avaient aussi développé leurs propres lieux de rencontre, comme La Chandelle au sous-sol de l’église, qui accueillait aussi des groupes d’Ottawa. En face de l’église, un ancien bâtiment qui avait servi d’Hôtel de Ville, bureau du greffier et prison municipale
La Bastille, avec l'ancien aréna à droite

La Bastille, avec l’ancien aréna à droite

avait également été transformé en un havre de jeunesse appelé La Bastille. À l’est de la ville, La Ste-Famille, l’ancienne école primaire, est devenue un centre culturel dynamique qui offrait des activités artistiques pour petits et grands. Mon plus beau souvenir de cette période est de voir toute la ville se réunir pour produire mon premier disque – nous sommes allés à Montréal pour l’enregistrer, nous avons fait imprimer 1 000 copies vinyles à Ottawa et la couverture de l’album a été conçue à La Ste-Famille. Les gens ont coupé et sérigraphié de la jute et les dames du village ont offert leurs soirées, travaillant aux machines à coudre pour produire les sacs de jute dans lesquels mon premier album a été vendu. C’était un projet communautaire. J’étais tellement fier de ma ville et de ses gens merveilleux.
La Ste-Famille

La Ste-Famille


Rockland avait du caractère à l’époque et n’était pas le dortoir des fonctionnaires qu’elle est devenue. Il y avait des
St-Jacques avec la mercerie Lafleur à droite

St-Jacques avec la mercerie Lafleur à droite

attractions de petite ville, comme le théâtre Cartier géré par la famille Béland. Le théâtre montrait deux films différents à chaque semaine, un du lundi au jeudi, et un la fin de semaine, en plus des attractions à venir, des courts métrages en série et, bien sûr, des dessins animés. Il y avait aussi la salle de billard sur la rue principale de Rockland, gérée par la famille St-Jacques. Comme la mercerie Lafleur avoisinante, un magasin de deuxième génération, la salle de billard avait de hauts plafonds en étain et de magnifiques murs et planchers en bois franc, avec un parfum sans pareil. Quand il était adolescent, mon père allait voir des films muets qui étaient projetés à
Le Castel

Le Castel

l’arrière de la salle principale chez St-Jacques, surtout quand ils avaient un film de Charlie Chaplin, son favori. À la hauteur de l’Escale, notre école secondaire, il y avait sur la rue principale le restaurant Le Castel, qui était toujours rempli d’étudiants affamés. Les bancs autour des murs avaient tous un juke box à pièces avec les derniers succès.

J’ai joué dans quelques groupes de rock, d’abord avec mes bons amis Martin Cunningham, Pierre Lafleur et Roch Tassé. On s’appelait The Ravens. Pour en savoir plus sur The Ravens et pour nous entendre jouer « The Last Time » des Rolling Stones, cliquez ici. J’ai ensuite joué avec mon frère Robert et mon bon ami Tom Butterworth dans un groupe appelé The Trend. Plus tard, Tom et moi avons rejoint un groupe avec le chanteur local André « Gus » Gosselin. Il y avait aussi un groupe populaire appelé The Elusive Butterflies (à la mode de l’époque) qui mettait en vedette le guitariste local Denis Bergeron et le chanteur Don Boudria, qui est plus tard devenu le député de Glengarry-Prescott-Russell dans le gouvernement de Jean Chrétien. J’ai aussi beaucoup appris en regardant deux guitaristes d’élite de Rockland, Denis Tessier et Gaëtan « Pete » Danis. Pete a ensuite joué pour les chanteurs country populaires Bob et Marie King et Pierre Lafleur et moi ont suivi Pete partout où il jouait, principalement dans les hôtels de Buckingham (Qc) et de Bourget (Ont).

Alrick Huebener

Alrick Huebener


Tous les endroits que j’ai mentionnés ont disparu maintenant, bien que La Ste-Famille demeure toujours comme le musée de Clarence-Rockland. La population de la ville a triplé mais il n’y a plus d’attractions, plus de sanctuaires pour les jeunes. « The Heart of Saturday Night » de Tom Waits est en effet insaisissable et plus qu’un peu nostalgique maintenant. Je joue la pièce accompagné d’Alrick Huebener, un superbe contrebassiste d’Ottawa qui m’est souvent venu en aide sur mes enregistrements. Je dois aussi sousligner l’aide de Gilles Chartrand, l’infatiguable curateur du Musée de Clarence-Rockland, pour les vieilles photos de notre village.

Richard Séguin – voix, guitare acoustique
Alrick Huebener – upright bass

The Heart of Saturday Night

Photo d’Alrick par Kate Morgan

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« Downtown Blues » des Beale Street Sheiks

J’ai découvert la ville de Memphis, Tennessee, à un très jeune âge. Le classique « Memphis, Tennessee » (1959) de Chuck Berry a été l’une des nombreuses chansons que j’aimais quand j’étais garçon. À partir des années 1960, la musique R&B issue de Stax Records à Memphis a eu une influence majeure sur mon développement comme musicien. Elvis Presley, un gars de la campagne de Tupelo, Mississippi, a fait de Memphis le lieu de sa demeure et aussi de son palais, Graceland. Le nom Memphis est principalement un nom d’origine grecque qui signifie « établi et beau. » Après la guerre de Sécession, Memphis est devenu le creuset des pionniers du blues, de la musique country, des chansons folkloriques, des jigs et du vaudeville, d’où émerge une grande partie de la musique populaire américaine moderne.

En 1926-1927, les maisons de disques, ayant trouvé de riches récoltes de musique ancienne en Géorgie, en Caroline du Nord et en Virginie, commencèrent à chercher plus loin en Arkansas, au Mississippi et au Tennessee. Laissées un peu sur leur faim, les maisons de disques Victor et Okeh dépêchèrent des équipes d’enregistrement dans la ville où il était le plus logique de réunir des musiciens de ces territoires : Memphis.

Beaucoup de ces musiciens travaillaient dans l’obscurité complète. Les communications entre n’importe quelle région et le reste du pays étaient rares, sinon inexistantes. Si les maisons de disques n’étaient pas venues découvrir ces musiciens, le paysage musical dynamique de l’Amérique qui a émergé dans les « années folles » des 1920 ne se serait peut-être pas matérialisé.

De la communauté d’artistes de Memphis sont sortis les jug bands, qui étaient pour moi l’une des plus grandes réalisations artistiques du XXe siècle. Les musiciens qui les formaient étaient pauvres mais talentueux, imaginatifs et motivés. Parce qu’ils jouaient sur les guitares, les harmonicas, les banjos et les violons les moins chers qu’ils pouvaient trouver, un bon nombre de leurs instruments étaient aussi des articles ménagers ou d’autres « instruments » qu’ils ont eux-mêmes fabriqués. Tout particulièrement, ce sont les sons étranges de ces instruments qui ont distingués les jug bands. Avec une cruche vide, ils soufflaient à travers l’ouverture pour produire des résonances profondes, presque atonales. Ils attachaient 2 ou 3 cordes à un manche à balai relié à une boîte à cigare vide qui agissait comme résonateur et jouaient ainsi sur leur « guitare » improvisée. Les balais étaient également fixés à des cuves de lavage équipées d’une corde qui pouvait être jouée comme une contrebasse. Pendant qu’ils étaient dans la buanderie, ils ont pris une planche à laver et y ont joué des rythmes fous à l’aide d’un ouvre-bouteille. Ils ont créé des mélodies étranges en soufflant à travers du papier de soie plié autour des dents d’un peigne. La musique qu’ils créaient était captivante, toujours uptempo et joyeuse. Rien n’était à leur épreuve.

Bon nombre des plus grands pionniers des premiers enregistrements commerciaux de musique « roots » ont été négligés, trompés ou laissés dans l’obscurité au fil des décennies. C’est le cas de Frank Stokes, le bluesman à la voix puissante qui est maintenant considéré comme le père du style de guitare blues de Memphis et dont l’important héritage n’est que maintenant pleinement apprécié. Frank Stokes (1878-1955) est né dans le comté de Shelby, Tennessee. La date exacte de sa naissance varie. Orphelin comme enfant, Stokes a été élevé à Tutwiler, Mississippi par le 2e époux de sa mère. Il apprit à jouer de la guitare dans sa jeunesse et s’installa plus tard à Hernando, dans le Mississippi, où vivait une communauté de musiciens comme Jim Jackson (1890-1937), qui dirigeait les Red Rose Minstrels, un spectacle itinérant de médecine; Dan Sane (1896-1956), qui formerait la moitié des Beale Street Sheiks avec Stokes; Gus Cannon (1893-1979) qui formerait Cannon’s Jug Stompers avec Elijah Avery (aucune donnée disponible) et Noah Lewis (1890-1961); Will Shade (1898-1966) qui dirigeait la Memphis Jug Band; et Robert Wilkins (1896-1987), un chanteur de gospel renommé. Pour en savoir plus sur Robert Wilkins et pour m’entendre jouer sa chanson « That’s No Way To Get Along », cliquez ici.

Au tournant du siècle, Frank Stokes travaillait comme forgeron, parcourant les 25 miles jusqu’à Memphis le week-end pour chanter et jouer de la guitare avec Dan Sane, avec qui il a formé un partenariat musical de longue date. Ensemble, ils jouaient dans les rues et dans le parc Church (maintenant W. C. Handy Park) sur la rue Beale à Memphis. Leur répertoire éclectique comprenait des chansons de parloir, des rags, des airs de ménestrel, des standards du country et du blues et des chansons populaires de l’époque. Contrairement au stéréotype du bluesman las et opprimé qui chante des chansons mélancoliques de chagrin et de perte, Frank Stokes a créé une musique vivante et amusante, souvent même drôle. C’était de la musique de fête qui transcendait les barrières de la race et de la classe et qui exigeait qu’on se lève pour danser.

En 1917, Stokes se joint au Doc Watts Medicine Show en tant que chanteur, danseur et comédien blackface. Le Medicine Show a permis à Stokes de collaborer avec de nombreux musiciens blancs, y compris la légende de la musique roots, Jimmy Rodgers. Rodgers a ensuite interprété certaines des chansons de Stokes, tandis que le « Yodeling Fiddle Blues » de Stokes est considéré comme un hommage à Rodgers.

Fatigué d’une vie sur la route, Stokes a déménagé à Oakville, au Tennessee, vers 1920 et retourna à sa vie de forgeron et de musicien. Il a encore fait équipe avec Dan Sane et les deux ont fait un rendez-vous populaire des soupers de poisson locaux, des bars, des pique-niques et des fêtes de maison. Au milieu des années 1920, le duo se joint à Jack Kelly’s Jug Busters, ce qui leur permet de jouer dans des clubs de country blancs, des fêtes et des danses. Peu après, Stokes et Sane sont retournés à Beale Street où ils ont commencé à jouer sous le nom des Beale Street Sheiks. À ce moment-là, le film muet de Rudolph Valentino « The Sheik » et la chanson à succès « The Sheik of Araby » avaient infiltrés le jargon américain et le mot « sheik » est devenu synonyme de « ladies man ». Je soupçonne que la prononciation de sheik (c.-à-d. shake) a aussi quelque chose à voir dans tout ça – les « Beale Street Shakes » est un nom puissant pour un groupe.

En août 1927, Stokes et Sane ont apporté leur musique de fête dans les rues et en studio, enregistrant le premier album des Beale Street Sheiks pour Paramount Records. Un critique a écrit : « L’interaction fluide de la guitare entre Stokes et Sane, combinée à un rythme propulsif, à des paroles pleines d’esprit et à la voix superbe de Stokes, rendent leurs enregistrements irrésistibles. »

En février 1928, les Sheiks enregistrent plusieurs pièces pour Victor Records à l’auditorium de Memphis, une session qui comprennait aussi le grand bluesman Furry Lewis. Des enregistrements ultérieurs pour Victor et Paramount ont parfois été publiés sous le nom de Frank Stokes, bien que Dan Shane y ait joué et que le personnel était le même que celui des Beale Street Sheiks. C’était un stratagème courant des maisons de disques de l’époque, qui créaient un certain nombre d’artistes « différents » simplement en changeant leurs noms. Ainsi, « Downtown Blues » a été publié sous le nom de Frank Stokes, bien que Dan Sane joue sur la pièce. Je ne suis pas lié à ces tactiques promotionnelles et j’identifie toutes les pièces de Sane et Stokes sous le nom des Beale Street Sheiks. « Downtown Blues » est un exemple classique de l’irrésistible musique de danse composée par Frank Stokes. De plus, en 1928, personne ne chantait comme lui mais, dans la période d’après-guerre, de plus en plus de chanteurs de R&B et de rock sonnaient clairement comme Stokes, démontrant sa grande influence sur notre musique contemporaine.

L’œuvre de Frank Stokes en fait l’un des artistes de Memphis les plus enregistrés de l’époque. Ses derniers enregistrements, réalisés en 1929, mettent en vedette le violoneux Will Batts (1904-1954) et comptent parmi les pièces les plus follement originales jamais enregistrées. Malheureusement, le pic de création de Stokes s’est produit pendant une période où l’intérêt du public pour la musique basée sur le blues avait commencé à décliner. Bien que sa carrière d’enregistrement ait pris fin, Stokes est resté un interprète très populaire. Tout au long des années 1930 et 1940, il a continué à impressionner le public avec son jeu de guitare et sa voix puissante, où il se produit comme membre de spectacles de médecine, au Ringling Brothers Circus et à d’autres spectacles itinérants. Dans les années 1940, Stokes a déménagé à Clarksdale, au Mississippi, un autre centre de blues traditionnel, et a joué occasionnellement avec son compatriote Bukka White (1906-1977). En 1955, Frank Stokes est décédé d’un accident vasculaire cérébral à Memphis, la ville dont il a contribué à définir l’héritage musical.

Alors que Frank Stokes est largement tombé dans l’obscurité dans les années qui ont suivi sa mort, le Mt. Zion Memorial Fund, un groupe voué à la restauration et à la dédicace de nouvelles pierres tombales pour les musiciens de blues du début du XXe siècle, a construit une pierre tombale en son honneur au cimetière New Park, à Memphis.

Richard Séguin – voix, guitare acoustique, mandoline, pied

Downtown Blues

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« Morning Blues » de l’oncle Dave Macon

J’ai entendu « Morning Blues » pour la première fois sur un disque du Jim Kweskin Jug Band à la fin des années 1960. Ils étaient un superbe groupe, un portail vers tant de grandes chansons du passé et ils leurs ont tous donné vie. « Morning Blues » nous vient d’un homme connu sous le nom de Uncle Dave Macon qui, dès son jeune âge, a été exposé au monde extravagant et merveilleux du divertissement, qu’il a embrassé pendant toute sa vie.

David Harrison Macon (1870-1952) était un artiste né. Il venait du comté de Warren, au Tennessee. mais quand il avait 13 ans, sa famille a déménagé à Nashville pour diriger l’hôtel Old Broadway. L’hôtel était fréquenté par des musiciens, des artistes de cirque et des acteurs voyageant le long des circuits de vaudeville, un attrait enivrant pour tout jeune homme.

En 1885, un comédien de cirque lui a appris à jouer du banjo. L’année suivante, le père de Macon fut assassiné à l’extérieur de l’hôtel Old Broadway. Sa mère veuve a vendu l’hôtel et la famille a déménagé à Readyville, au Tennessee, où elle a tenu une auberge de diligence. Macon a commencé à divertir les passagers à l’aire de repos, jouant son banjo sur une scène improvisée.

En 1889, Macon épousa Matilda Richardson et s’installa dans une ferme près de Kittrell, au Tennessee, où ils élevèrent six fils. Vers 1900, Macon ouvre une ligne de cargaison appelée The Macon Midway Mule and Mitchell Wagon Transportation Company. Le Mitchell Wagon est considéré comme l’un des plus anciens chariots en Amérique, ses débuts remontant jusqu’à 1834. Pendant que Macon conduisait ses mules et transportait de la cargaison et des produits, il divertissait les gens en chantant et en jouant du banjo à divers arrêts au long du chemin. Malheureusement, l’avènement de l’automobile a bientôt mis fin à toutes les entreprises basées sur la mule.

L’oncle Dave Macon a acquis une renommée régionale en tant qu’interprète de vaudeville au début des années 1920. Bien qu’il se soit longtemps produit en tant qu’amateur et était bien connu pour son art du spectacle, sa première performance professionnelle eut lieu dans une école locale en 1921, quand il avait 51 ans. Macon était un maître de la fantaisie musicale et son art de la scène était au cœur de ses performances. Il lançait son banjo en l’air au milieu d’une chanson et l’attrapait sans interrompre la musique. Avec son banjo planté sur le sol, Macon jouait l’instrument avec son chapeau Derby tout en dansant autour du banjo. L’oncle Dave était aussi bon ami avec le joueur d’harmonica DeFord Bailey (1899-1982), le premier homme noir à apparaître sur le Grand Ole Opry. Macon et Bailey ont joué et voyagé ensemble dans le Sud quand un homme blanc et un homme noir ne pouvaient pas facilement voyager ensemble en raison des lois Jim Crow. En 1923, Macon entreprend une tournée du sud-est des États-Unis en compagnie du violoneux Sid Harkreader (1898-1988). Lui et Harkreader ont fait leurs premiers enregistrements pour Vocalion à New York, donnant dix-huit chansons. Au début de 1927, Macon forme un groupe appelé les Fruit Jar Drinkers avec trois autres musiciens. Les Fruit Jar Drinkers ont enregistré pour la première fois en 1927 et le répertoire du groupe était principalement composé de chansons traditionnelles et de pièces de violon. Cependant, ils enregistrèrent occasionnellement des chansons religieuses, pour lesquelles l’oncle Dave changeait le nom du groupe en celui des Dixie Sacred Singers. À la fin de 1925, Macon rencontre le guitariste Sam McGee (1894-1975), qui deviendra son partenaire régulier pour l’enregistrement et la scène. Macon est soutenu par McGee pour son superbe enregistrement de « Morning Blues » en 1928. Mon arrangement comprend un couplet (No corn in the crib, etc.) tiré de la chanson de l’époque de la Dépression « Eleven Cent Cotton, Forty Cent Meat » que l’oncle Dave jouait souvent pendant ses spectacles.

Les enregistrements de l’oncle Dave Macon sont le pont ultime entre la musique folklorique et vaudeville américaine du XIXe siècle et la musique phonographique et radiophonique du début du XXe siècle. Il est devenu la première étoile du Grand Ole Opry de Nashville dans la seconde moitié des années 1920 et a continué à jouer jusqu’à ce qu’il meure en 1952 à l’âge de 81 ans. Il fut intronisé à titre posthume au Country Music Hall of Fame en 1966. Bien qu’il n’ait jamais été considéré comme un grand joueur de banjo, les historiens de la musique ont identifié au moins 19 styles de jeux différents dans ses disques.

Richard Séguin – voix, guitare acoustique, mandoline

Morning Blues

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